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Qu’ils ouvrent le grand livre de la nature, & ils y liront une explication bien simple. Les fleurs doubles sont des monstres ; la rose à cent feuilles, & un très-petit nombre d’autres plantes sont une exception à cette loi, parce que ce sont des espèces premières, tandis que les renoncules des jardins sont des espèces perfectionnées ; les parties de la génération ont été dans ces monstres métamorphosées en pétales ou feuilles de la fleur, ainsi la nature n’attend pas d’elles la fécondation des graines ; mais comme son but principal est la régénération des êtres, les pétales ne s’épuisant pas pour cette production, conservent leur force & prolongent leur durée ; la nature les a destinés à défendre, à protéger les parties de la génération ; dès que l’acte de fécondation est accomplis leur mission finie, ils se dessèchent, tombent, & le germe reste. C’est pourquoi les feuilles de la renoncule qui a grainé, restent bien plus longtemps vertes que celles des renoncules à fleur double ; la perfection de la graine a encore besoin de ces feuilles, & dès qu’elle est mûre, leurs fonctions cessent ; elles se flétrissent. (Consultez les mots Fleurs, Feuilles.) Par la même raison les renoncules à fleurs semi-doubles tiennent le milieu, pour leur durée comme fleurs, entre les fleurs doubles & les fleurs simples ; celles-ci, toutes dans l’ordre de la nature, se hâtent d’accomplir la loi première, la fécondation de la graine & sa maturité. Si sur une plante quelconque en fleurs, on en choisit une parmi celles qu’elle porte, & qu’on en retranche, aussi-tôt après son épanouissement, les étamines & les pistils, cette fleur subsistera plus long-temps que les autres fleurs voisines & ouvertes en même temps qu’elles, l’art dans ce cas imite le procédé de la nature, & dès que les fleurs doubles sont passées, dès que la fécondation des semi-doubles & des simples est accomplie, la plante tarde peu à se dessécher. Celle des fleurs doubles est la première, parce qu’elle n’a point de graine à nourrir ; il en est ainsi de la durée du chanvre mâle, (consultez ce mot) avec la durée de la tige femelle, ou qui porte la graine. Aussi-tôt que la fleur est passée les fleuristes négligent les pieds, ils ne les arrosent plus quoique la chaleur soit forte, & ils ont tort : on a déja dit que la partie de la griffe qui a donné sa fleur se décompose & périt ; mais les nouvelles griffes, enfans de la première, ont encore besoin de quelques secours, petits à la vérité. On ne doit donc pas laisser la plante se dessécher trop rapidement par la chaleur ; elle doit être tempérée par de légers arrosemens, jusqu’au moment où l’on s’aperçoit que la fane se dessèche d’elle-même ; à cette époque on fera très-bien, si on le peut, de garantir le sol de la planche de toute humidité, de le préserver des pluies, soit avec des planches, soit avec des nattes, &c. afin d’enlever de terre la griffe lorsqu’elle est sèche ; sa dessiccation n’est pas encore parfaite, mais elle le sera quand on aura pris les précautions indiquées ci-dessus.

Plusieurs fleuristes commencent la séparation des griffes au moment qu’ils les tirent de terre ; cette méthode est défectueuse, & ne peut avoir lieu pour la plupart qu’en brisant les doigts des griffes à cause de leur