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si le bois est dur, & cette chaleur momentanée nuit au bois & à l’écorce ; mais ce qui y nuit le plus, c’est que la scie ne coupe pas, elle mâche, & si on regarde de très-près ou avec une loupe, on voit les bords de l’écorce très-inégaux, très-mâchés. Comme l’écorce seule recouvrira le bois dans la suite après que ses bords se seront cicatrisés, il est donc important de retrancher toutes les proéminences de l’écorce & toute la partie mâchée, afin qu’il s’y forme promptement un bourrelet ; mais pour que ce bourrelet s’étende insensiblement de la circonférence au centre, & recouvre enfin toute la surface de la plaie, il est nécessaire que cette surface soit liste & bien unie ; il en est de ces plaies faites aux troncs & aux branches, comme des plaies des hommes & des animaux. La pourriture doit séparer du vif toutes les chairs confuses & mâchées, & la peau seule dont l’écorce tient la place dans les arbres, recouvre & cicatrise la plaie. Afin d’accélérer la cicatrice, il convient, après le ragréage, d’empêcher l’action du courant de l’air, par l’application de l’onguent de Saint Fiacre.


RAJEUNIR. Terme de jardinage. C’est tailler un arbre sur les branches de la nouvelle pousse, & supprimer la plus grande partie du vieux bois ; cette excellente définition est de M. l’abbé Roger-Schabol. Beaucoup de jardiniers confondent ce mot avec celui de couronner un arbre. S’il est déjà vieux ou sur le retour, il est bien rare que cette forte opération ne soit l’avant-coureur de sa mort, quand même on recouvriroit la plaie avec l’onguent de St. Fiacre, aussitôt après l’amputation ; dans cet arbre, tous les canaux de la sève sont déjà oblitérés en partie, l’écorce est extérieurement devenue ligneuse, gercée, raboteuse ; tout, en un mot, annonce, si j’ose m’exprimer ainsi, l’ossification ; & cette écorce, auparavant si tendre, ne ressemble pas mal aux apophises, qui s’ossifient dans les vieillards, & rendent leur marche & leurs mouvemens lents, pénibles, & comme par ressort. Pour que ce vieil arbre couronné ne périsse pas, il faut absolument que de nouveaux bourgeons percent à travers cette vieille écorce, & si l’arbre ne conserve plus encore une certaine vigueur, la chose devient impossible, & l’arbre meurt. Le couronnement sur les arbres jeunes & vigoureux, est sans conséquence ; il vaudroit cependant mieux les rajeunir par la diminution de quelques branches, sagement conduites, à moins qu’on n’ait besoin de couronner cet arbre afin de le greffer sur ses nouvelles pousses. Il est très-peu de cas où il faille couronner, & beaucoup où il convient de rajeunir.

Supposons un poirier taillé en espalier & conduit d’après la méthode de M. de la Quintinie ; supposons-le encore de qualité à produire naturellement beaucoup de bois, quand il est dans sa vigueur ; supposons-le, enfin, garni de 5, 7 à 9 greffes branches qui s’élèvent presque perpendiculairement du tronc, ou si l’on veut, de deux mères branches qui s’étendent près de la superficie du sol, & servent de base aux branches perpendiculaires. Tant qu’un pareil arbre conservera de la vigueur, on aura beau tailler court