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sol ; & comme ils reçoivent les impressions du soleil & de l’air qu’ils attirent, ils ne tardent pas à changer leur direction. Au lieu de gagner le bas, ils se portent vers la superficie du sol, ils la percent, & voilà de nouvelles tiges. Il a déjà été dit plusieurs fois dans cet ouvrage (consultez le mot Grenadier) que les racines deviennent des branches, & que les branches deviennent des racines quand les circonstances favorisent cette transformation.

Un arbre naturel, dans un seul cas seulement, produira des drageons ; c’est lorsqu’il trouvera une résistance invincible à prolonger son pivot & enfoncer ses racines ; par exemple, s’il rencontre ce que les paysans appellent gur, gord, ou autrement une couche de cailloux agglutinés ensemble, ou un banc de rocher, ou une couche de craie & d’argile tenace, alors les racines sont forcées à s’étendre par-tout où elles peuvent, & si elles sont trop superficielles, elles produisent des drageons. On peut donc dire que si le prunier en général pousse des drageons, c’est la faute du choix du sujet sur lequel on a greffé, & la faute du jardinier qui a mutilé les racines & coupé le pivot ; enfin on conclura que c’est une absurdité que de greffer sur des drageons, & qu’ils doivent être bannis de toutes les pépinières.

III. De la culture. Elle ne diffère pas de celle des abricotiers, pêchers, &c. soit en espalier, soit en gobelet ou buisson, soit en plein vent. (consultez ces mots) Cependant il n’est pas hors de propos de faire quelques observations à ce sujet.

On se plaint communément que les jeunes pruniers en espalier sont lents à se mettre à fruit, & qu’ils ne donnent que du bois ; & que les pruniers déjà d’un certain âge, sans être vieux, ne donnent que du fruit & plus de bois nouveau ou bourgeons. Ces plaintes sont fondées, mais est-ce la faute de l’arbre ou celle de celui qui le taille ? c’est uniquement.celle de ce dernier ; ceci le prouve.

Vous convenez que le jeune arbre ne donne que du bois, que vous avez beau le tailler très-fort, rabaisser ces bourgeons pour le matter, & que vous ne pouvez venir à bout de le rendre sage. Eh bien, prenez le parti contraire, puisque plus vous lui en supprimez, & plus il en pousse ; il vous indique lui-même ce qu’il demande, ne le contrariez donc pas. Après avoir établi ses quatre membres, étendez & palissez tous les bourgeons qu’il poussera, excepté ceux qui seront placés sur le devant ou sur le derrière de l’arbre. À la taille d’hiver, ne les raccourcissez pas ; au printemps & pendant l’été suivant, palissez les bourgeons venus sur les premiers ; continuez ainsi pendant la seconde, troisième & quatrième année, s’il est nécessaire, & votre arbre sera déjà très à fruit. On ne doit supprimer à la taille d’hiver, que les bourgeons surnuméraires & qui font confusion. Vous éprouverez alors que votre arbre sera sage, qu’il sera matté. Cette taille suppose nécessairement que de tels arbres ne seront pas, suivant l’ancienne & abominable coutume, plantés à six ou à dix pieds les uns près des autres, mais à trente & à quarante. Un arbre ainsi dirigé portera plus lui seul que les six ou