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truit des loix & du méchanisme de la végétation, s’il ne l’est pas, je le prie de lire les sections 2, 3 & 4 de l’article blé. Il observera seulement que le froment dont il y est question, est une plante annuelle, tandis que les graminées de nos prairies sont vivaces.

On a vu dans ces sections que le but de la nature est la reproduction des espèces par leurs semences, qu’elle fait les plus grands efforts de végétation lorsque la plante est en fleur ; que les sucs sont alors les plus abondans, & leurs principes les plus volatilisés & les plus actifs ; qu’ils s’accumulent dans la dernière articulation du chaume qui soutient les fleurs ; en un mot, qu’ils y sont conservés comme en un réservoir précieux, afin de s’y élaborer, de s’y raffiner, & de fournir au grain, à mesure qu’il est formé & qu’il prend de la consistance, une nourriture très-fine, très-travaillée, & dans toute la perfection dont elle est susceptible. Cet imposant phénomène pour l’homme qui réfléchit, s’exécute aux dépens des feuilles & des tiges. On les voit peu à peu perdre leur belle couleur verte & jaunir, parce que l’ascension & la descension de la sève n’agissent plus avec la même activité qu’auparavant ; on diroit que la nature oublie la plante entière pour ne s’occuper que de la dernière articulation du chaume qui supporte la fructification. En effet, les sucs s’y accumulent au point que l’épi se courbe vers la terre ; enfin la dernière articulation se dessèche par épuisement, & le grain est mûr. Que l’on coupe actuellement une tige de ces plantes graminées au moment de sa maturité, avec une même tige au moment de la fleuraison, & l’on verra, en les fendant perpendiculairement d’un bout à l’autre, que tout l’intérieur de la première est desséché ; que si on la met dans une quantité proportionnée d’eau, elle n’y donnera presque point de mucilage, tandis que la seconde sera gluante dans son intérieur, & mise avec les mêmes précautions dans l’eau, elle lui fournira beaucoup de mucilage. Ce corps muqueux est cependant la seule partie nourrissante. On dira peut-être que si on mâche une paille de froment qui a végété, par exemple, dans nos provinces méridionales, en Espagne, &c.

On y reconnoït la présence d’un principe vraiment doux & sucré. Cela est vrai & très-vrai ; aussi cette paille est-elle très-nourrissante, tandis que celle de nos provinces du nord l’est très-peu. Si au contraire on compare le grain de froment produit dans ces deux pays opposés, on trouvera que ceux du midi contiennent moins de son & plus de farine que les autres ; le suc restant dans la paille est sans contredit la surabondance qui n’a pas pu être absorbée par la formation du grain. Si je me suis fait cette objection, c’est pour prouver qu’il y a une grande disproportion entre la quantité des parties sucrées du froment & celles des graminées de nos prairies ; 1°. parce que le premier végète dans un sol sec, & les secondes dans un terrain sans cesse arrosé ; 2°. parce que la chaleur du climat met une très-grande différence dans la perfection des sucs & le développement de leurs principes ; 3°. enfin, pour démontrer que l’œuvre de la fructification ne s’opère que par l’appauvrissement plus ou moins considérable des tiges, des feuilles, &c.