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sur sa propriété une conduite d’eau que l’on dériveroit dans la partie supérieure d’un ruisseau, d’une rivière, &c, ; par ce moyen, combien de terres, dans la plaine, ne rendroit-on pas à la culture des grains, & combien de coteaux sur-tout ne verroit-on pas convertis en riantes prairies ?


$. II.

Des moyens de conduire les eaux.

Comment & quand doit-on arroser ? c’est ce que nous allons examiner.

Aucune province de France ne connoît mieux la conduite des eaux que celle du Limosin ; le pays est très montueux ; l’art a donc du y venir au secours de la nature. Ce pays est pauvre & peu productif, parce que tous ses rochers sont schisteux & sur-tout granitiques ; les débris de ces substances ne fournissent que du sable & non de la terre végétale ainsi qu’en donnent les débris des rochers calcaires. C’est à force de soins assidus & continuels, que les industrieux habitans de cette province sont parvenus à convertir les pentes un peu douces en prairies.

I. Comment doit-on arroser ? Tout ce que je vais dire ici est extrait en grande partie de l’ouvrage de Monsieur Bertrand, déjà cité, & qui présente des détails fort intéressans. On suppose que par le moyen des écluses, des batardeaux, de simples prises, &c., ainsi qu’il est dit aux mots Abreuver, Étang, on est parvenu a conduire l’eau dans la partie supérieure & la plus élevée du pré, afin d’avoir la facilité de la diriger à volonté sur toute sa surface.

Six pouces de pente par cent toïses, ce n’est pas trop lorsque l’eau doit être portée au loin, & sur-tout si on ne l’a pas en grande abondance ; mais deux pouces suffisent pour une moindre distance & pour un volume d’eau assez considérable. C’est la mesure à la main, qu’on doit prendre le niveau, & l’homme le plus versé à le juger par le coup d’œil, se trompe souvent, & ses erreurs occasionnent des dépenses fortes & inutiles sans compter la perte du temps.

On garnira en Béton (consultez ce mot) ou en argile, ou bien on pavera les conduites dans la plaine, si le sol n’est ni d’argile ni de terre franche ; on le pavera toujours dans les endroits où la pente est rapide… Si les pentes ou contre-pentes obligent d’approfondir la conduite, on a alors besoin de pierrées, ouvrage qui demande d’abord beaucoup de précautions. Le fond doit être sur argile ou sur terre franche ou glaisée, bien battu & bien pétri ;… les pieds droits ou pierres de côté seront bien assurés. & solidement posés ;… les dalles ou pierres plates qui doivent servir de couverture, reposeront fermement sur leurs pieds droits avec environ trois pouces de portée ; on aura soin de boucher tous les vides & les interstices avec des morceaux de pierre ou des cailloux ;… sur les dalles on étendra une couche épaisse de mousse, de foin grossier de marais, ou, faute de mieux, de paille, pour empêcher qu’en recomblant la fouille, il ne tombe dans la conduite aucun corps qui puisse y causer des engorgemens, ce qui rendroit l’ouvrage inutile & obligeroit de le recommencer à nouveaux frais… Dans les lieux où le terrain manqué, où