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preuves devienne un précepte, il faut une suite d’expériences pour l’établir, mais au moins il met sur la voie.

Je dis actuellement qu’il est possible, & plus que probable, que cette expérience répétée en grand sur les pommiers & sur les poiriers destinés à fournir une boisson, supprimera les récoltes alternes & les rendra annuelles. On objectera que c’est demander un grand travail, & que suivre & tailler ainsi des arbres à plein vent occasionneroit une forte dépense, Je conviens de tout cela ; mais je demande à mon tour le produit d’une récolte de plus, ou du moins d’une plus forte récolte, ne dédommagerai-il pas amplement des avances ? d’ailleurs on doit considérer que dans les pays à cidre & à poiré, les travaux d’hiver ne sont pas urgens comme dans les pays à vignes ; que de telles provinces sont naturellement plus froides, plus pluvieuses, que tous les semis des grains hivernaux sont faits, enfin, que depuis le commencement de décembre jusqu’à l’époque à laquelle on commence à labourer pour les grains marsais, il ne reste aux habitans de la campagne d’autre occupation que celle de couper des bois, réparer les instrumens d’agriculture ; &c. par conséquent ils ont beaucoup de temps à eux, & ont tout le loisir de tailler leurs arbres.

Ne seroit-il pas encore possible d’adapter aux pommiers & aux poiriers une partie de la méthode de culture des oliviers qui, dit-on, sont également alternes dans leur fructification. Cet article mérite d’être relu & d’en faire ici l’application : J’y renvoie afin d’éviter les répétitions des principes. La soustraction annuelle d’un certain nombre de branches, dans le besoin, du premier ordre, ordinairement du second ou du troisième ordre, & annuellement pour ces dernières, forceroit l’arbre à produire sans cesse du nouveau bois & par conséquent à renouveler ses boutons à fruits & ses bourses ; dès lors cette soustraction empêcheroit les récoltes biennes.

Je fais qu’on a conseillé de greffer les arbres & de prendre la greffe sur l’arbre qui devoit porter, par exemple cette année, enfin de greffer un pareil nombre d’arbres dont la bonne, récolte étoit l’année suivante, espérant par ce moyen avoir annuellement une moitié franche des arbres en pleine récolte & également l’année d’après. Un particulier très-intelligent m’a dit avoir fait cette expérience, s’en être bien trouvé pendant les six ou huit premières années, mais dès que le nombre des bourses s’étoit multiplié, ses arbres avoient subi le même sort des autres. Les récoltes obtenues par ce particulier, il les doit à la seule poussée successive des nouvelles branches, & des boutons à fruit ; la multiplicité des bourses y a mis enfin obstacle.

Je sais encore que, par fois, on fait un peu émonder les arbres ; c’est après un très-long espace de temps, lorsque les lichens, les mousses s’emparent des branches, enfin lorsque l’arbre annonce qu’il souffre & qu’il tend à sa destruction. Le remède est apporté trop tard.

On détruit une partie du mal, mais on ne remédie pas essentiellement à la cause. J’ose présumer qu’une taille annuelle & bien entendue vaudroit beaucoup mieux.

Un auteur, d’ailleurs très-estimable