vent, & qu’il demandoit une culture d’un autre genre. Le succès répondit à mes espérances, & ma plantation n’a cessé, outre l’exemple qu’elle a donné, d’être de la plus grande utilité à tout le canton, où les habitans ayant tous les mêmes besoins, & manquant souvent de bras & de feuilles, ont la ressource d’au trouver de toutes cueillies. J’ai toujours une grosse chambrée de vers à soie tardifs, que je fais jeter si la feuille vient à manquer ; ce qui empêche bien des gens de jeter les leurs prêts à monter.
» Les adversaires des mûriers nains observèrent en vain qu’ils plantoient des arbres à plein vent pour leurs enfans, & que je plantois des nains pour moi ; le fait est que leurs arbres plantés à quatre toises de distance, sont arrivés au nec plus ultra, plus tard, & n’ont pas autant duré que mes nains plantés à neuf pieds en tout sens ; puisque les premiers plantés dans de très-bons fonds, sont sur leur déclin, & qu’il en est mort au moins un dixième, tandis que les nains que j’ai du même âge sont dans leur plus grand produit, & qu’il en est mort deux ou trois sur cent, sans compter qu’il est plus facile, comme on le verra, de renouveler ceux-ci en perdant tout au plus trois années de revenu.
» Ne pourroit-on pas observer que les mûriers en plein vent ne réussissent pas dans les mauvaises terres, par le peu de progrès qu’y font leurs racines ; & que le grand essor que prennent celles-ci dans les meilleurs fonds, produit un arbre vigoureux en apparence, mais dont la vie est courte, ainsi que la chose peut s’observer à Alais en Languedoc, où les plus beaux arbres périssent subitement, sans espoir de pouvoir les remplacer par d’autres[1].
» On m’alléguoit encore que les mûriers nains périroient dès que les racines s’entrelaceroient, & dès que les sels qui conviendroient aux mûriers, seroient épuisés. J’appelai de cette décision, persuadé, par des expériences, que les racines du mûrier, ainsi que celles de la vigne, se rencontrent sans se nuire, & que l’arbre ne prend sa dénomination de nain que par le peu d’étendue de terre dont il jouit, ainsi que l’oranger qui croît en raison de sa caisse[2].
» Quant aux sels qu’on suppose
- ↑ Note de l’Éditeur. Sans savoir précisément quelle est l’espèce de sol dont veut parler l’auteur, sans connoître sa profondeur, j’ose croire que cette caducité précoce tient à ce que l’on a supprimé le pivot de ces arbres en les plantant, & que le sol n’a pas assez de fond, même pour les racines horizontales ; enfin, si on ne peut pas les remplacer par d’autres, c’est que ces mêmes racines n’ont pas empestè le terrain, comme on le dit, mais qu’elles l’ont affamé. Il en est des plantations de ces mûriers comme des luzernières ; lorsque celles-ci sont épuisées, on ne peut semer de nouvelle luzerne que cinq à six ans après, afin que les sucs nutritifs de la superficie aient eu le temps de pénétrer jusqu’à une certaine profondeur, afin d’y remplacer ceux que les racines pivotantes des luzernes ont absorbés. (Voyez le mot Luzernes)
- ↑ Les racines sont toujours en proportion de la tête de l’arbre. Celle de l’anneau, de l’érable, &c., taillés en boule, pour la décoration des jardins, ne s’étendent guères au-delà d’une toise, & celles de l’ormeau, livré à lui-même, parcourent un espace de plus de dix à vingt.