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Viennent en déranger l’ordre. Si une gelée hâtive accélère la chute des feuilles, il convient de ne tailler qu’à l’époque fixée par la nature.

Dès que l’arbre est dépouillé de ses feuilles, il ne monte plus ou presque plus de séve. Son tronc, ses branches sont engourdis ; les racines seules travaillent dans la terre, y élaborent les sucs nourriciers qui doivent y reporter la vie, lorsque l’air atmosphérique aura repris le degré de chaleur nécessaire à l’ascension de la séve ; mais le froid pénètre dans la terre jusqu’à une certaine profondeur ; les racines sont à leur tour engourdies, & cet engourdissement suit la marche du froid. On ne doit jamais perdre de vue que la végétation est toujours en raison de la chaleur ambiante. Ainsi, dès que la séve ne se portera plus aux branches, on n’aura plus à craindre le reflux de la transpiration dans la masse des humeurs, ni que la véhémence du fluide nourricier l’extravase, & forme des chancres & des caries. La nature a donc marqué elle-même l’époque de la taille du mûrier.


Planche XVIII, fig. 25, article Arbre
§ II. Comment faut-il tailler, c’est-à-dire, comment faut-il former & entretenir la tête du mûrier ? Tout arbre suit une loi constante dans la disposition de ses branches. L’arbre naturel qui n’est point contrarié par la main de l’homme, pousse des branches suivant des angles réguliers. Les premiers angles des branches avec la tige, font de dix degrés, & annoncent son enfance. (Voyez Tome I. Planche XVIII, Figure 25, page 570). Cet arbre conserve sa grande force tant que les branches ne s’écartent pas du tronc par des angles de trente à quarante degrés ; il est alors dans l’âge de virilité : cette vigueur commence à décroître par les angles de cinquante à soixante degrés ; l’arbre languit à soixante-dix ; à quatre-vingts il porte déjà l’empreinte fâcheuse de la caducité, & il meurt avant que ces branches soient parvenues à l’angle du quatre-vingt-dixième degré. Ces divisions ne sont point arbitraires, on les trouve écrites en caractères ineffaçables dans le grand livre de la nature, & c’est le seul que l’on doit lire pour apprendre à se conformer aux principes qu’elle dicte.

Il ne s’agit pas ici de l’arbre en espalier, c’est un arbre contre nature, mais de l’arbre ou du mûrier à plein vent. Quelques arbres toujours verts ne sont pas soumis à la loi dont on vient de parler, puisque leurs branches sont naturellement parallèles à l’horizon, & il seroit ridicule de vouloir les rappeler à l’angle de quarante ou de trente degrés.

D’après cette loi immuable, le but de la taille du mûrier est donc de conserver ou de faire prendre à ses branches la direction qui les rapproche le plus de celle de la virilité de l’arbre, c’est-à-dire, l’angle de quarante à quarante-cinq degrés. L’expérience prouve que cette direction est la plus avantageuse, & qu’elle perpétue & ménage la force de l’arbre.

Si on laisse subsister la branche verticale ou sommet de la tige, la séve y afflue avec véhémence, le bois s’emporte, & attire à lui la plus grande partie des sucs nourriciers, & finit par appauvrir & dessécher les branches inférieures : tel est l’arbre forestier. Toute branche perpendiculaire est au mûrier ce que le gourmand (voyez ce mot), est à l’arbre fruitier