La première loi est d’examiner l’arbre, d’abord dans sa totalité & ensuite dans chacune de ses parties, après l’avoir suivi des yeux de branche en branche, d’établir un jugement raisonné, de décider quelles branches demandent à être abattues, & quelles branches méritent d’être conservées ; de faire ensuite plusieurs fois le tour de l’arbre en continuant toujours son examen, afin de rectifier ses idées au besoin ; enfin, lorsqu’on a, pour ainsi dire, tout l’arbre dans la tête, il faut appliquer l’échelle, monter dessus & commencer la taille. Je n’ai jamais pu m’accoutumer à la marotte des émondeurs ; sans examen préliminaire ils montent sur l’arbre, & du milieu, de cette forêt de branches où la vue est coupée en mille sens différens, ils tranchent & abattent à leur gré. Nous n’avons pas besoin d’examen antérieur, disent-ils, nous sommes si au fait de notre travail que nous taillerions un olivier les yeux fermés. Que répondre à de pareils travailleurs ! Cependant on a des récoltes ! ce qui est sans doute assez difficile à comprendre.
La seconde loi est de conserver l’équilibre entre toutes les branches, c’est-à-dire, d’observer que les mères branches & les secondaires gardent dans le pourtour, & autant qu’il est possible, la même grosseur, le même volume & la même étendue. La taille du Roussillon pèche essentiellement en ce point. Si l’équilibre n’est pas observé, la séve se porte beaucoup plus d’un côté que de l’autre ; celui-là regorge de sucs, & celui-ci ne reçoit plus qu’une foible & chétive nourriture.
La troisième est de ne laisser jamais ni tronçons ni chicots sur la partie coupée. Ces chicots (voyez ce mot) ainsi qu’il a déjà été prouvé au mot mûrier, sont l’origine de la pourriture qui gagne de proche en proche l’intérieur du tronc, & qui le rend caverneux. L’écorce seule se regénère & non le bois ; or l’écorce, par son extension, ne peut pas recouvrir une partie saillante, aiguë, &c.
La quatrième exige que l’endroit où chaque amputation est faite, soit uni ; que l’amputation soit faite, autant que la position de la branche le permet, dans un sens perpendiculaire & non pas horizontal. Dans le premier cas, l’écorce recouvre plus vite la plaie ; dans le second, l’eau, le verglas, la glace séjournent sur la plaie, attaquent l’écorce & le bois.
La cinquième qui ne sera pas observée par nos paysans, consiste à couvrir les grandes plaies avec l’onguent de saint Fiacre. (voyez ce mot) Sans cette précaution elles ne seront jamais cicatrisées ; l’expérience de tous les jours & de tous les lieux le prouve. L’humidité & l’évaporation alternatives, le hâle, le soleil, dessèchent le bois, il se gerce, l’eau s’introduit dans les gerçures, la carie suit de près, &c.
La sixième, celle qui demande le plus de connoissance, est de laisser subsister un nombre de branches secondaires, jeunes, droites, pleines de vigueur, en proportion de la vigueur de l’arbre ; de ravaler ou rabaisser à la taille suivante ces mêmes branches devenues trop élevées & trop grosses. Ce ravalement doit être proportionné à leur vigueur. À la troisième taille, c’est-à-dire six ans après, si on suit la méthode bienne, cette masse de branches surbaissées deux ans auparavant, doit être beaucoup diminuée quant au nombre, & il convient de reprendre l’arbre d’une manière sem-