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rameaux, il doit craindre beaucoup plus le froid que lorsqu’il est réduit à son seul tronc. Ainsi la première objection est nulle quant à ce point ; elle ne l’est pas quant au second, elle est au contraire très-forte. Par ces vastes plaies découvertes & exposées à toutes les injures du temps, à la dessiccation, à l’humidité successive, &c. l’arbre souffre beaucoup, & dès cet instant se forme le germe de cette putridité, qui gagnera insensiblement tout l’intérieur de l’arbre. Combien d’années ne faudra-t-il pas avant que l’écorce, (voyez ce mot essentiel) ait recouvert ces plaies si considérables ? Le bois ne se régénérera pas, l’écorce seule prendra de l’extension, & s’il n’est pas couvert il pourrira. L’arbre ressemble en quelque sorte aux dents des hommes ou des animaux, dès que leur émail est carié, la substance intérieure est bientôt pourrie. Heureusement que dans l’arbre l’écorce est végétative. Si on prend la peine d’examiner un olivier à tronc caverneux & pourri ; si l’on suit cette carie, on verra qu’elle a commencé ou par en haut, ou par un chicot laissé sur place, ou par une plaie qui n’a pu être recouverte de l’écorce ; on verra que la carie a gagné de proche en proche, de haut en bas, & que souvent & très-souvent plusieurs de ces plaies réunies sur un arbre, ont concouru ensemble à la dégradation totale de l’intérieur, & même dans toute la partie inférieure du centre des racines. Il ne reste à ces arbres que l’écorce & un peu d’aubier. Il ne faut que des yeux & un peu d’attention pour se convaincre de cette vérité.

M. Barthès, dans l’ouvrage déjà cité, est le seul qui recommandé de couvrir les plaies de l’olivier avec l’onguent de S. Fiacre, c’est-à-dire avec de la bouse de vache pétrie avec de l’argile, & d’assujettir le tout avec des chiffons. Je n’ai cessé, dans tout le cours de cet ouvrage, de recommander l’application de l’onguent de S. Fiacre sur toutes les plaies un peu considérables des arbres quelconques. Cet onguent agit sur les plaies de l’arbre, comme les onguents & le taffetas d’Angleterre, agissent sur les plaies des hommes & des animaux. Il les préserve du contact de l’air, & la nature établit la cicatrice par l’extension de l’épiderme ou peau dans l’homme, & par celle de l’écorce sur les végétaux. (Voyez le mot Onguent)

Il est clair qu’avec un semblable préservatif, il ne s’établit aucune carie, laquelle commence toujours par l’aubier, (voyez ce mot) & gagne de la circonférence au centre en creusant ensuite & se propageant par ce centre.

Les chiffons qui recouvrent l’onguent, me paroissent inutiles, & ils retiennent même une humidité qui peut devenir dangereuse à la plaie pendant la rigueur du froid. L’onguent seul bien fait, bien corroyé, & auquel on a ajouté des balles de bled, afin de donner plus de liaison aux parties, suffit ; il faut seulement le bien lisser, & tous les quinze jours le lisser de nouveau, afin d’éviter les crevasses par lesquelles les eaux pluviales pénètrent jusqu’à la plaie, délayent la terre, & finissent par l’entraîner. Le chiffon seroit d’ailleurs dangereux lorsque l’arbre entreroit en séve, lorsque l’écorce commenceroit à se cicatriser, à