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mieux nourris, & les journaliers préféreront donc de servir le premier, parce qu’ils sont sûrs d’avoir un travail plus soutenu que chez les autres.

8°. Un propriétaire aisé n’est pas forcé de vendre ses récoltes, il les garde jusqu’à ce que son grain, son vin, &c. soient montés à un certain prix ; alors ils les vend avec bénéfice.


§. II. Des avantages des petites métairies.


Répondre aux assertions précédentes, ce sera les réfuter ; mais avant tout il se présente une observation bien simple, & qui mérite notre attention. Depuis quelques années les grands seigneurs & les forts tenanciers du royaume, qui aiment mieux compter avec eux-mêmes, que de se laisser gouverner par des étrangers, ont vu qu’il étoit presque du double plus lucratif pour eux, d’affermer leurs possessions par parcelles, plutôt que d’avoir un seul & unique fermier général, suivant l’ancienne coutume, & pour une terre entière. Ce fermier unique, & même supposé fort à son aise, fera-t-il valoir par lui-même toutes les métairies ou domaines affermés en total, par exemple 20 à 25,000 livres. Il est très-rare que les domaines de cette seigneurie soient contigus, & quand ils le seroient, son avantage se trouveroit-il à réunir dans une seule & même habitation, tous les valets & tous les bestiaux ? Quel parti prendra-t-il ? Le voici. Il sous-affermera les domaines les plus éloignés, & fera tout au plus valoir le plus considérable, si toutefois il n’habite pas la ville ; mais en sa qualité de fermier général il doit bénéficier sur le sous-fermier, & celui-ci gagner dans sa sous-ferme.

Le propriétaire, en affermant par parcelles, auroit donc eu le bénéfice que le grand fermier fait sur le petit.

Supposons, par exemple, une métairie de six cens arpens ; (Voyez ce mot) je dis que sur cette étendue, d’ailleurs toutes circonstances égales, s’il y avoit deux métairies, le total de la ferme des deux seroit plus considérable que celui d’une ferme unique ; & que s’il y en avoit quatre, le total augmenteroit en proportion.

Supposons encore que cette ferme ou ces deux métairies soient à la proximité d’une ville, ou d’un gros & riche village ; je dis que si chaque pièce de champ étoit affermée séparément, la totalité du prix seroit beaucoup plus considérable. Il en est du prix des fermes comme de celui des ventes. On gagne beaucoup à vendre par parcelles, parce que ceux qui achètent, payent la proximité & la convenance, sur-tout lorsque la partie en vente, contribue à l’arrondissement de leurs possessions. L’exemple de tous les jours & de tous les lieux, prouve ces assertions.

1°. Une grande métairie suppose un propriétaire à son aise, un fermier riche, &c. On est forcé de convenir qu’il faut beaucoup d’avances pour cultiver, puisque le produit est le résultat de ces avances, & il n’existeroit pas sans elles. Les prairies, les bois déjà formés, font exception à cette règle ; mais ils ont supposé dans le temps des avances, pour les semer ou pour les planter ; les domaines à vignoble, travaillés à la main, sont ceux qui en exigent le plus journellement. L’homme riche a un grand avantage sur celui dont la fortune est bornée : on sait qu’il