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sont infectées jusqu’à un certain point, le premier soin est d’établir le plus de courant d’air qu’il est possible, 2°. de laver à grande eau les murs, les carreaux, les râteliers, les anges, &c. 3° de laver le tout avec du vinaigre ; 4°. de mettre sur un réchaud bien allumé, un vase rempli de vinaigre, & en quantité proportionnée à l’étendue qu’on veut désinfecter. On a coutume d’y ajouter des zestes de citron, des écorces d’oranges, des baies de genièvres, & toutes ces drogues ne purifient point l’air, elles masquent seulement, je le répète, l’odeur & pour peu de temps. Le vinaigre seul agit comme acide, comme neutralisant les alkalis volatils, (Voyez ce mot), qui s’exhalent des corps en putréfaction. Ces moyens suffisent lorsque le méphitisme n’est pas à son dernier période c’est-à-dire qu’on doit les regarder jusqu’alors comme des ressources. & des précautions contre l’air méphitique, encore un peu éloigné d’être mortel.

Lorsque cet air méphitique commence réellement à devenir dangereux, & un peu avant qu’il soit complètement mortel, il faut employer un moyen plus efficace, dont on doit la découverte à M. de Morveau, ancien avocat général du parlement de Dijon, si connu dans la république des lettres, par l’étendue de ses connoissances. Voici comment s’explique ce citoyen, ce patriote. L’église cathédrale de Dijon étoit si infectée par l’air putride qui s’élevoit des caveaux de sépulture, que le chapitre fut obligé d’aller faire le service divin dans une autre église, & celle-ci fut abandonnée.

» Je fis mettre six livres de sel marin, non décrépité[1], & même un peu humide, dans une de ces grandes cloches de verre, dont on se sert dans les jardins. Cette cloche fut placée sur un bain de cendres froides, dans une chaudière de fer fondu. On plaça la chaudière sur un grand réchaud, qui avoit été précédemment rempli de charbons, allumés Je versai, sur le champ, dans la cloche, & sur ce sel, deux livres de l’acide connu sous le nom impropre d’huile de vitriol, & je me retirai. Je n’étois pas à quatre pas du réchaud, que la colonne de vapeurs qui s’en élevoit, touchoit déjà la voûte du collatéral : il étoit alors sept heures du soir ; tout le monde sortit précipitamment, & les portes furent fermées jusqu’au lendemain ».

» C’est un principe généralement avoué, qu’il se dégage une quantité considérable d’alkali volatil, des corps qui sont dans un état de fermentation putride. Dès-lors, pour purifier une masse d’air qui en est infectée, il n’y a point de voie plus courte & plus sûre, que de lâcher un acide, qui, s’élevant & occupant tout l’espace, s’empare de ces molécules alcalines, les neutralise, & réduit l’odeur, ainsi décomposée, à ses parties fixes, que l’air ne peut plus soutenir. Le procédé que je viens d’indiquer, remplit parfaitement ces deux objets. 1°. Personne n’ignore que dans cette

  1. Note de l’Éditeur. Sel marin ou sel de cuisine sont deux mots synonymes ; on appelle ce sel décrépité, lorsque, sur une pêle exposée sur le feu, on a fait chauffer ce sel au point de perdre son eau de cristallisation, & de ne conserver que sa partie saline bien sèche.