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qu’elles commenceront à passer ; enfin, au défaut d’échelles, on se servira de ciseaux ou torces, fixés au sommet d’une perche.

Le marronnier se plaît dans toute sorte de terreins, pourvu qu’ils conservent un peu d’humidité. Il se défeuille promptement dans les sols trop secs, & il y végète mal. Si le terrein est trop humide, le jaune de ses feuilles annonce son état de souffrance : dans un bon fonds, son tronc s’élance avec grâce, & s’élève très-haut du moment que ses branches & ses feuilles touchent celles de l’arbre voisin, parce qu’elles sont obligées d’aller chercher la lumière. Si on veut hâter sa jouissance, pour une salle de marronniers, on plante à vingt pieds de distance : on doit dans ce cas supprimer un arbre entre deux, lorsqu’on commence à s’apercevoir que les rameaux s’étiolent, c’est-à dire, s’alongent sans prendre assez de consistance. Dans peu d’années, si le fonds est bon, le vide occasionné par la suppression des arbres surnuméraires, sera regarni par les branches des arbres qu’on a laissé subsister ; elles s’abaisseront au-lieu de filer comme auparavant.

Dans les fonds de médiocre qualité, on peut planter depuis quinze jusqu’à vingt pieds de distance, & la suppression, dans la suite, sera inutile.

L’on taille le marronnier à plusieurs époques ; aussitôt après la chute des feuilles, & avant la sève du mois d’août. Le marronnier isolé n’exige aucun soin de la part du jardinier du moment que le tronc a pris la hauteur qu’on désire : mais dans les salles, dans les avenues, dans les allées, le jardinier retranche impitoyablement tous les bourgeons qui s’alongent & dépassent l’allignement qu’il a donné… Si l’ordre symétrique exige qu’on coupe quelque mère-branche, elle doit l’être raz du tronc, sans laisser aucun chicot, & il faut aussitôt la couvrir avec l’onguent de Saint-Fiacre, (voyez ce mot) afin que la partie ligneuse ne pourrisse pas avant que l’écorce ait eu le temps de la recouvrir. Sans cette précaution, il se forme une gouttière, & la pourriture gagne insensiblement l’intérieur du tronc de l’arbre.

Il vaut beaucoup mieux replanter le marronnier fort jeune, que d’attendre qu’il ait une haute tige ; sa reprise dans le premier cas est plus assurée, & ses succès plus prompts par la suite. Le point essentiel est de conserver, à chaque pied que l’on arrache de terre, le plus grand nombre de racines qu’il est possible. Jamais cet arbre ne végète avec autant de force que lorsqu’il est semé en place, parce qu’il est alors l’arbre de la nature, c’est-à-dire qu’il est garni de son pivot. Dans cet état, il craint moins la sécheresse, & pénètre très-avant dans la terre, où il trouve une humidité qui assure se fraîcheur ; au lieu que l’arbre à racines écourtées ne peut plus en pousser que de superficielles & de latérales. Cette observation est importante pour les terreins secs & maigres. Dans les provinces du midi, on fera très-bien d’arroser ces arbres pendant les premières années après la plantation, dans le courant de juin, & un peu avant le renouvellement de la sève du mois d’août.

Le marronnier se multiplie par ses fruits. Aussitôt qu’ils sont tombés, on les enterre dans du sable pour les semer au premier printemps suivant