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vorés par la mousse, les lichens, &c., & la main attentive du jardinier ne peut complettement les détruire. Je préférerais un sol graveleux, ou caillouteux, ou sablonneux, parce que avec de l’eau & des engrais appropriés, je me procurerais des arbres passables, mais dont le parfum du fruit seroit admirable. Lorsque le terrein est goûteux, les fossés d’écoulement sont le seul moyen de les assainir ; s’il n’est pas possible d’en ouvrir, il vaut mieux renoncer à l’établissement d’un jardin. Heureux, cent fois heureux, celui qui trouve une bonne & profonde couche de terre végétale.

La position la plus utile pour un jardin fruitier, est celle d’un coteau à pente douce, & à l’abri des vents orageux. Dans les provinces du midi, il est indispensable que l’on puisse conduire l’eau au pied des arbres, au moins deux ou trois fois dans l’été, & après que l’eau a pénétré la terre, la travailler ; sans cette précaution le fruit flétrira sur l’arbre, ou bien s’il y reste attaché, sa trop précoce maturité ne permettra pas qu’il prenne sa grosseur ordinaire ni son goût parfumé.

Peu de personnes se déterminent à planter des fruitiers séparés, & sur-tout avec des arbres à plein vent ; alors c’est un verger proprement dit, & pour profiter du terrein qui se trouve entre les arbres, on sème de la graine de foin, mais on a soin chaque année de faire travailler deux fois la circonférence du pied des arbres. Si l’entretien de cette prairie exige une fréquente irrigation, ces arbres se trouveront dans le cas de ceux plantés dans les terreins humides, dont il a déjà été question. Cependant cette terre ne doit pas rester inculte, on peut la semer ou la planter avec des légumes qui exigent peu d’eau, & qui sont en état d’être récoltés un peu auparavant l’époque des grandes chaleurs : les arbres profiteront singulièrement des labours donnés à la terre. Quant aux arbres en évantail ou en buisson, il n’est guères possible d’en cultiver le sol dans la vue d’en retirer des récoltes ; leur ombre est trop rapprochée de la terre, trop épaisse, les plantes s’étioleroient. (Voyez ce mot.) On doit cultiver la terre en plein plusieurs fois dans l’année, & la tenir rigoureusement sarclée.

Ce que j’ai dit jusqu’à présent s’applique aux jardins fruitiers en général. Ceux des provinces méridionales, dans le Pays-bas, & par conséquent très-chaud, exigent quelques précautions de plus ; ils demandent à être arrosés par irrigation, & les grenadiers, les jujubiers, les caroubiers, n’y exigent pas des abris ainsi que l’oranger & le citronnier. Quant aux figuiers, ils doivent être plantés dans un quartier séparé ou en bordures ; & ils ne réussissent jamais mieux que lorsque leurs racines ont de l’eau tout au près, & lorsque leur tête est exposée au plus gros soleil. Les câpriers, arbustes à tiges inclinées, craignent singulièrement l’humidité & la terre forte ; les cerisiers, appelés guigniers dans le nord, y réussissent très-mal, malgré les soins les plus assidus ; les griottiers à fruits acides, nommés cerisiers à Paris, y réussissent un peu mieux. On n’y cultive aucune espèce de vigne, ni en espalier, ni en contr’espalier, ni en treille, parce que les raisins de vignes sont si bons, si sucrés, si parfumés, qu’il ne vaut pas la peine de