Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’entretiennent dans les végétaux la couleur verte qu’ils reçoivent du jour ou du soleil, puisque les plantes qui passent les nuits dans des lieux parfaitement obscurs, sont moins vertes que celles qui sont jour & nuit exposées à l’influence des différens corps lumineux. »

De ces observations que la nature confirme en grand, naît une difficulté que M. l’abbé Tessier ne s’est pas cachée, & de laquelle il a donné une solution qui nous paroît très-juste. Si toutes choses égales d’ailleurs, les plantes les plus exposées à la lumière sont celles qui sont les plus vertes, comment se fait-il que celles qui sont au nord, ou abritées par des bois, sont quelquefois plus vertes que celles qui sont exposées au grand soleil & sans abris ? « C’est que, répond très-ingénieusement M. l’abbé Tessier, dans le premier cas elles sont ordinairement plus fraîchement, au lieu que dans le second cas, étant plus exposées aux évaporations & à l’ardeur du soleil qui les dessèche, elles ne peuvent conserver leur couleur verte, qui demande, outre la lumière, une certaine humidité, sans laquelle elle ne se soutient pas. »

M. Senebier s’est occupé, pendant plusieurs années, de l’effet de l’influence de la lumière sur les plantes, & il a observé qu’elle étoit non-seulement une cause immédiate de leur coloration, mais encore que c’étoit à son action qu’étoit dûe la décomposition de l’air fixe dans les feuilles, & le développement de l’air déphlogistiqué. Nous ne citerons encore ici que le résultat de ses ingénieuses expériences, dont on peut lire le détail dans son recueil d’excellens mémoires physico-chymiques sur l’influence de la lumière solaire, pour modifier les êtres, & sur-tout ceux du règne végétal.

L’allongement des tiges, la blancheur des feuilles, la foiblesse & la longueur de toutes les plantes, sont d’autant plus grands, que la privation de la lumière a été plus complète & de plus longue durée. Cette vérité a été démontrée, & parce que nous avons dit jusqu’à présent, & par les détails que nous avons développés au mot Etiolement. Comment donc la lumière agit-elle dans la coloration des végétaux ? C’est le problème que M. Senebier a cherché à résoudre ; & en lisant son ouvrage, on voit, avec plaisir, que la nature lui a dévoilé son secret, pour le récompenser du zèle & de l’espèce d’acharnement qu’il a mis à la consulter. Il a découvert qu’il existe une matière colorante, qui réside dans le parenchyme de la plante que cette matière colorante est une résine fixe dans l’endroit où elle se trouve, qu’elle s’y forme, qu’elle y subsiste, sans circuler avec le reste des fluides de la plante ; que c’est sur cette résine que la lumière a son action directe, & que c’est par la combinaison de la lumière avec elle, que les parties qui la contiennent & qui en éprouvent les effets, se colorent en verd. Quelques faits que nous allons rapporter, vont mettre en évidence cette ingénieuse théorie. Si l’on met dans l’obscurité une branche, un bouton, il n’y a d’étiolé que les nouvelles feuilles qui poussent depuis la privation de la lumière ; si même l’on couvre avec quelque chose une portion de feuille attachée à sa tige, exposée à la lu-