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transport çà & là des échelles, des paniers, &c.

Voici encore une proposition qui paroîtra paradoxale à bien des gens ; j’ose avancer qu’on doit planter, dans les endroits les plus froids & les plus battus des vents, les arbres à fleurs les plus précoces, comme abricotiers, pêchers, amandiers, &c. Ces arbres, originaires d’Arménie & de Perse, se trouvent en France dans un climat bien différent ; cependant ils y fleurissent dès que le dégré de chaleur de l’atmosphère est le même que celui qui les metroit en fleur dans leur pays natal ; ils ont beau avoir changé de climat, ils obéissent, quand les circonstances ne s’y opposent pas, à la loi que la nature leur a assignée dans le nouveau. Aussi voit-on, lorsque les fortes gelées sont tardives, des pêchers, des amandiers fleurir à la fin de décembre & souvent de janvier ; or, en plaçant ces arbres dans l’endroit le plus froid & le plus exposé aux grands courrans d’air, ils ne fleuriront pas en pure perte, ni si-tôt que les autres arbres de leur espèce, plantés contre de bons abris. D’ailleurs, ils fleuriront plus tard au printemps, le développement & l’épanouissement étant retardé, la fleur craindra beaucoup moins les funestes effets des gelées tardives du printemps. Admettons encore que ces arbres soient en fleurs dans le même temps que le seront ceux qui sont bien abrités, je ne crains pas de dire que les fleurs de ces derniers seront bien plus maltraitées que les autres, en raison de l’humidité qui les recouvre, tandis que le courant d’air l’aura dissipée sur les fleurs des premiers. On fera très-bien cependant d’avoir de bons abris pour les pêchers, les abricotiers, les amandiers, surtout dans les provinces du nord, afin que si les gelées détruisent les fleurs des arbres plantés sur l’élévation, elles n’endommagent pas celles des arbres bien abrités, & ainsi tour à tour. J’ai observé un très grand nombre de fois, dans l’intérieur du royaume, que les gelées du printemps nuisoient plus aux arbres des bas fonds qu’à ceux des coteaux ou des éminences. Les sols argileux sont à comparer aux bas fonds ; ils retiennent l’eau trop long-temps, quand une fois ils en sont imbibés ; la chaleur a-t-elle dissipé leur humidité, leurs molécules se resserrent, s’adaptent les uns aux autres, & la masse se durcit au point que les racines n’ont plus la liberté de s’étendre. Les fruits cueillis sur ces arbres n’ont ni saveur ni parfum, & ces arbres offrent sans cesse le triste spectacle de la nature souffrante, & qui dépérit insensiblement.

Les jardins fruitiers sont communément environnés de murs, soit afin de défendre les fruits contre le pillage, soir pour se procurer de beaux espaliers. (Voyez ce mot.) Les arbres y sont plantés & taillés ou en espalier, ou en contrespalier, ou en évantail, ou en buisson, ou bien, livrés à eux-mêmes, s’ils sont à plein vent. Tout le monde convient que le fruit de ces derniers est infiniment supérieur au goût ; mais dans nos Provinces du nord la chaleur n’est souvent pas assez forte pour lui faire acquérir une parfaire maturité : il convient, & on est forcé alors de les tenir ou à mi-tige, ou ravalés par une taille quelconque, soit en évantail, soit en buisson. Le premier offre le long d’une allée une jolie ta-