Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

& qu’ils sont du ressort des femmes ; aussi je ne prétends pas qu’un cultivateur, qu’un homme qui vit dans son domaine, s’occupe à couler une lessive ; mais qu’il veille à la conservation de son linge & à sa blancheur, c’est autre chose, & la plus petite opération du ménage des champs doit fixer l’attention de l’amateur de l’ordre & de l’observateur.

En partant du principe chymique qui sert de base à cette manipulation, je dis qu’il vaut infiniment mieux savonner le linge & le faire tremper un jour entier dans une eau savonneuse, avant de le jeter dans le cuvier pour le lessiver ; enfin de le faire presser & tordre à différentes reprises dans cette eau, parce qu’elle a une affinité réelle avec les matières grasses qu’elle détache du linge, qu’elle dissout & qu’elle s’approprie. Le linge ainsi préparé, mis dans le cuvier avec l’eau savonneuse, lessivé ensuite d’après les procédés ordinaires, & porté à la rivière, n’a plus besoin d’y être savonné, mais tordu & lavé à plusieurs reprises à grande eau courante. La trop grande quantité d’alkali, ou de cendres, ou de chaux, n’est pas alors tant à redouter, le nerf du linge n’est plus si fort attaqué, enfin toute sa crasse est rendue miscible à l’eau, & dès-lors susceptible d’être entièrement entraînée par l’eau courante. Ce procédé n’est pas plus coûteux que celui employé journellement, & je puis répondre, d’après mon expérience, que le linge est beaucoup plus blanc, plus ferme & mieux conservé que par tout autre procédé ; il est facile de la répéter.

L’usage de frotter le linge avec des brosses à poils rudes, a été introduit par l’avarice, afin d’économiser le savon ; il est plus gâté en deux blanchissages, qu’il ne le seroit en vingt, en suivant le procédé ordinaire.


Lessive des grains. Je ne répéterai pas ce ici qui est dit au mot Chaulage & au mot Froment, je rappellerai seulement que tous ces arcanes, ces préparations, qui de temps à autre reparaissent dans les papiers publics, & qu’on donne comme des nouveautés, sont le plus souvent ou déjà connus, ou du moins inutiles. La renommée de l’arcane se soutient pendant un an ou deux, & la recette retombe ensuite dans l’oubli d’où on l’avoit tirée. En admettant même que la préparation, ou lessive du grain, hâte sa germination, il n’en résulteroit aucun avantage quant à sa végétation postérieure, puisque dès que les deux premières feuilles du grain ont poussé, les deux lobes de la semence, imprégnés de préparation, sont complètement détruits. L’homme aime le merveilleux, & la cherté d’une denrée est souvent une raison de plus pour la lui faire acheter.


Lessive des arbres. C’est encore ici où le charlatan triomphe. Que de promesses magnifiques, que de prétendus faits constatés dans les papiers publics, que de faussetés imprimées, revues, corrigées & augmentées, pour détruire les chenilles, les papillons, les pucerons, les galles-insectes qui dévorent les arbres. De l’eau simple ou aiguisée avec du vinaigre, une brosse, ou le dos de la lame d’un couteau, produisent les mêmes effets que les lessives les plus vantées, telles que celles où l’on fait entrer les corps graisseux, huileux