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fraîcheur, & une autre sera également remise & enlevée le lendemain. Ces précautions paroîtront minutieuses aux jardiniers qui massacrent l’ouvrage ; mais en suivant leur méthode ordinaire, en plantant au gros soleil un plant déjà fané, en ne le couvrant pas les jours suivans, les feuilles languissent, sèchent, & les racines n’ont effectivement repris qu’après six ou huit jours ; tandis que par la manipulation que je propose, à peine se ressentent-elles de la transplantation : j’en réponds, d’après mon expérience. Dans les provinces du midi, les laitues exigent d’être plus souvent serfouies que dans celles du nord, parce que l’irrigation affaisse trop promptement la terre & la durcit. Un petit travail donné tous les quinze jours leur fait un grand bien, & encore plus si on remue toute la terre du sillon, comme il a été dit au mot Irrigation ; mais il faut pour lors que le sillon soit des deux côtés planté en laitues, car ce bouleversement de terre dérangeroit la plante voisine. Le meilleur arrosement dans l’été, est au soleil couchant.

Comme toutes les espèces de laitues ne donnent pas autant de graines les unes que les autres, & que plusieurs en donnent fort peu, le jardinier prévoyant destine un plus grand nombre de pieds à grainer ; dans chaque espèce il choisit & conserve les plus beaux pieds : c’est le seul moyen de n’avoir pas des semences dégénérées. Les espèces qui donnent le moins de graine sont la bapaume… l’italie… les crêpes… l’aubervillers… la vissée… la bagnolet.

Si on désire ne pas voir confondre ces espèces, ni devenir hybrides, (Voyez ce mot) il faut avoir l’attention la plus scrupuleuse de tenir éloignés, autant qu’il sera possible, les pieds des espèces destinées pour la graine. C’est par le mélange de la poussière des étamines d’une plante, portées sur une autre, que chaque année on voit naître cette multitude de variétés, presque aussi nombreuses qu’il existe de jardins.

II. Des provinces du nord. Ici le travail est plus assidu, plus minutieux, parce qu’il est mieux récompensé, & le prix des primeurs dédommage des peines & des soins, du moins à la proximité des grandes villes. Dans les campagnes, le fumier est trop cher, trop précieux, & mieux employé qu’à faire des couches, & la misère est trop grande pour faire les avances des cloches de verre. On en voit dans les jardins des Seigneurs, des gens aisés, & cet attirail n’obstrue pas l’étroite demeure du pauvre maraîcher ; il attend le retour de la belle saison, & profite des premiers beaux jours de mars ou d’avril, suivant le climat, pour semer ses laitues d’été. Après avoir préparé son terrein avec soin, il le seme de quinze en quinze jours il seme pendant tout le printemps & pendant tout l’été, suivant ses besoins & suivant les espèces. S’il devance le retour de la chaleur, il prend une peine inutile, l’air n’est pas assez chaud pour que la plante profite ; c’est perdre du temps, infructueusement. Lorsque les plans ont quatre ou cinq feuilles, il les enlève de la pépinière, les replante dans une terre bien préparée, à la distance proportionnée au volume que la plante acquerra, & il arrose aussi-tôt, & dans la suite aussi souvent