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qualité aux brebis espagnoles qui y ont été jadis & qui y sont encore quelquefois introduites, & pas aussi souvent que le besoin l’exige, par la mauvaise tenue des troupeaux.

Dans tout le cours de cet ouvrage, on n’a cessé de faire remarquer l’analogie frappante qui se trouve entre le règne végétal & le règne animal ; elle se présente ici sous un nouveau jour également démonstratif. Des circonstances qu’on ne peut prévoir font que dans un semis, par exemple, de pépins, de pommes, de graines, de renoncules, de jacynthe, &c., on trouve, ce que les jardiniers appellent des espèces nouvelles, ou des espèces déjà existantes, mais perfectionnées ; c’est à ces heureux hasards que l’on doit les pommes de reinette, de Calville, &c, & sur-tout le bezi de Montigné, venu de lui même sans soins & sans culture au milieu des forêts de M. de Trudaine. Il seroit aisé de citer une foule d’exemples semblables relativement aux arbres, & plus encore parmi les fleurs des parterres. Il en est de même parmi les animaux. On peut consulter à ce sujet les ouvrages du Pline françois, & l’on y verra avec quelle diversité la nature a multiplié, par exemple, la famille des chiens, &c. Qu’avec des yeux exercés, un amateur examine un troupeau, il trouvera sûrement dans le nombre quelques individus dont la laine sera un peu plus fine, plus longue & plus étoffée que celle des autres ; cependant il est prouvé qu’ils ont tous eu un père & une mère à peu près égaux en qualité. Supposons actuellement que cet amateur sépare le bélier & la brebis du plus beau corsage, & laine moins grossière, du reste du troupeau, qu’il les fasse soigner & accoupler, il en résultera, à coup sûr, un individu qui tiendra du père & de la mère, & qui sera supérieur en corsage & en laine au reste du troupeau. Si le hasard fait qu’il rencontre chez lui un bélier plus beau que le premier, & qu’il croise sa race avec la brebis choisie, il est encore démontré par l’expérience que l’animal résultant de cet accouplement, sera beaucoup plus grand que la mère, & souvent plus beau que le père. Or, en continuant les mêmes soins, les mêmes attentions & les mêmes accouplemens, on parviendra petit-à-petit à remonter l’espèce de son troupeau. Cette progression n’est-elle pas dans tous les points la même que celle que la nature suit dans le perfectionnement des espèces végétales, soit en formant des espèces hybrides, (Voyez ces deux mots) soit en couronnant les soins du fleuriste qui métamorphose successivement en fleurs doubles les fleurs simples d’une plante, & qu’il perpétue ensuite par la greffe, par les caïeux, ou par les boutures. Mais si à une brebis déjà perfectionnée par le corsage & par la qualité de la laine, vous donnez un bélier à laine grossière & de petite stature, l’animal qui proviendra sera très-inférieur à la mère, & peut-être au père. Il faut, dans les accouplemens, employer toujours les individus les plus beaux.

Il est à-peu-près démontré que les petits ressemblent à leur mère par leurs parties intérieures, mais à leur père par l’extérieur, & principalement par leur surface & par leurs poils. En voici la preuve : si un bouc d’Angola, à poils si fins, si doux, si blancs & si longs, couvre une chèvre d’Europe, à poils grossiers &