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La morve, le farcin, &c. ne sont-ils pas épizootiques pour les chevaux, pour les mules & les mulets ? Cependant ne se sert-on pas des uns & des autres ? & l’objection n’est-elle pas la même dans tous les cas ? Si le cultivateur a lu & médité attentivement ce qui est dit au mot Épizootie, il verra que rien n’est plus aisé que de garantir son bétail de la contagion générale, soit par des soins & des remèdes de précaution, soit par une rigoureuse séparation des animaux sains d’avec les animaux malades, & en empêchant que les personnes qui servent les uns, n’approchent des autres dans aucun cas. Les maréchaux sont, à l’égard du bétail, lorsqu’il règne une épizootie, ce que les médecins & les chirurgiens font à l’égard de la petite-vérole. Ils sortent de visiter un malade, après l’avoir touché, ou ses vêtemens ; ils s’imprègnent du venin contagieux, & le répandent par-tout où ils vont. Cela est si vrai que lorsque toute communication quelconque a été interdite, la maladie reste circonscrite dans le lieu même, & le voisinage en est exempt. Il en est ainsi de la peste, &c.

Personne n’ignore que le cheval (Voyez ce mot) est sujet à un très-grand nombre de maladies, tant intérieures qu’extérieure, tandis que le bœuf en est très-rarement attaqué, sur-tout pour les maladies extérieures. Il est donc clair que le bœuf mérite à tous égards la préférence sur le cheval, lorsqu’il s’agit de l’économie rurale. Il est également démontré, par l’expérience journalière, qu’il résiste beaucoup plus à la fatigue. J’aurai peine a convaincre de ces vérités un Flamand, un Picard, &c. parce qu’ils sont dans l’usage de se servir des chevaux ; mais je les invite à faire des expériences comparatives : elles prouveront plus que les discours, & c’est le seul moyen de dissiper l’illusion.


LABOUREUR. C’est celui qui laboure ou fait profession de faire labourer & cultiver des terres. Conduire une charrue paroît une action bien facile ; cependant, sur vingt laboureurs, on en trouve à peine un excellent, deux passables, & le reste au-dessous du médiocre. On reconnoît un bon laboureur à la manière aisée dont il conduit & manie sa charrue ; à la facilité que l’habitude lui a donnée de la faire enfoncer ou soulever à volonté ; à l’art d’ouvrir des sillons égaux & droits ; au versement des terres sur le bord du sillon, &c. Enfin, un bon laboureur est celui qui ne fatigue pas ses bêtes, & qui fait proportionner la profondeur du sillon à la qualité de la terre. Quant aux laboureurs ordinaires, tout sol à leurs yeux est le même ; ce sont autant de machines traînées plutôt par les bêtes confiées à leurs soins. Un bon laboureur s’affectionne à ses animaux ; il les aime, les caresse, les bat rarement, & ils obéissent à sa voix. Si la fatigue est considérable, il fait ce qu’il peut pour la diminuer, en redoublant ses efforts. À peine le bétail est-il rentré dans l’écurie, qu’il le bouchonne, s’il est en sueur, le couvre au besoin, veille à lui procurer une bonne litière, le panse & l’étrille plusieurs fois chaque jour, & son zèle souvent trop empressé, le porte à procurer à l’animal beaucoup plus de fourrage qu’il ne doit en consommer :