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bien sec, sera suivie d’une abondante récolte.[1]

Ce sont les engrais qui procurent la grande fertilité ; aussi notre économe s’en procure de toutes manières : il se sert utilement de cendres de tourbe. À son grand regret, il n’a pu trouver chez lui de marne ; mais son industrie lui a fait découvrir un espèce de sable ou menu gravier, qui lui donne à-peu-près le même engrais que feroit la marne. Il trouve encore dans les gazons enlevés de dessus la surface des pâtures ou jachères qui ont poussé beaucoup d’herbe, une matière très-propre, lorsqu’elle est bien préparée, à servir d’engrais. Cette préparation consiste à laisser ces gazons pendant deux ans en plein air, exposés ainsi à ses influences & aux intempéries des saisons ; au bout de ce temps-là ils sont bien pourris, & ils sont très-propres à être transportés avec succès, tant sur les prairies, que sur les champs que l’on veut amender.

Jamais aucun préjugé ne lui a fait rejeter de nouvelles ouvertures ; il les juge toutes dignes d’être approfondies, & témoigne sa reconnoissance à ceux qui les lui communiquent. Il pense qu’en général, tout mélange de deux terres différentes peut tenir lieu d’engrais, quand même elles ne différeroient que par la couleur. Il croiroit donc avoir amendé un champ lorsqu’il auroit pu y transporter, sans beaucoup de frais, de la terre d’un autre champ. C’est ainsi, selon lui, qu’une terre légère est améliorée par une terre pesante ; une terre sablonneuse, par une terre-glaise ; une terre-glaise bleue, par une terre-glaise rouge, &c.[2]

C’est dans ces différens moyens de se procurer des engrais, que notre judicieux laboureur fait consister la base fondamentale de l’agriculture.

Un arpent de pré exige selon lui, pour être suffisamment amendé, de deux en deux ans, dix charois de fumier, ou vingt tonneaux de cendres de tourbe ; il pense que cette dernière matière est le meilleur engrais pour les prés que l’on peut arroser.[3]

Les arrosemens lui fournissent une seconde manière d’amender un pré, qui n’est pas moins avantageuse, de sorte qu’il fait très-peu de différence d’un pré bien arrosé, à un pré bien fumé, sur-tout si la qualité de l’eau est bonne pour cet objet.

Un grand principe de Kliyoogg est qu’il ne faut point songer à augmenter le nombre de ses possessions, avant d’avoir porté celles que l’on possède à leur plus haut degré de perfection : l’on en sent aisément la raison ; car, dit-il, si un cultivateur n’a pu encore parvenir à donner à son champ la meilleure culture possible, combien moins en viendra-t-il à bout si, augmentant l’étendue de son do-

  1. Je suis fâché de n’être pas de l’avis de Socrate rustique ; (Voyez ce qui a été dit au mot Écobuer & au mot Défrichement.) mais sa remarque sur la chaleur de l’été est très-bonne, sur-tout si on n’a pas excité trop d’évaporation des principes par la fréquence des labours. (Voyez ce mot.)
  2. En fait d’argille, la couleur importe peu ; la bonification vient de ce que l’une contient plus de substance calcaire que l’autre, & sur-tout de ce que la nouvelle, n’ayant pas eu le temps de s’agglutiner avec l’ancienne, elle en tient les molécules plus séparées.
  3. (Voyez ce qui a été dit au mot Cendre.)