Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/618

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que l’on relise ce que nous avons dit aux mots Fécondation & Germe, & l’on concevra comment se produit une plante hybride. Le germe existe tout formé dans la plante ; il n’a besoin, pour vivre, que d’être stimulé & nourri par la poussière fécondante, ou par un principe qui en fait l’essence, & qui nous est encore inconnu. Si donc on porte sur le stigmate du pistil d’une plante, de la poussière fécondante d’une autre de la même espèce, ou d’une espèce différente, il peut arriver deux effets : ou cette poussière fécondante ne pourra pénétrer à travers le pistil, jusqu’au germe, ou elle descendra par le canal & ira jusqu’à lui ; dans le premier cas, point d’action, point de fécondation, sur-tout si le germe est de nature à avoir nécessairement besoin d’un stimulus étranger pour acquérir le premier mouvement vital ; dans le second cas, si la poussière fécondante est tirée d’une plante de même espèce & de même variété, la fécondation aura lieu, parce qu’elle remplira les deux objets qui lui sont propres, celui de stimuler le germe & de le nourrir ; si elle est tirée d’une espèce différente, la fécondation pourra quelquefois réussir par l’analogie qui se trouvera entre ces deux plantes. Qu’arrivera-t-il alors ? la nouvelle plante produite tiendra nécessairement des deux qui lui ont donné naissance, & elle annoncera, par sa forme, sa fleur & son fruit, qu’elle est la réunion de toutes les deux. Des exemples vont confirmer cette observation, & nous serviront à expliquer comment s’opère un des plus merveilleux phénomènes de la nature, qu’il seroit si intéressant de répéter souvent pour acquérir de nouvelles connoissances sur l’objet important de la fécondation & du développement du germe.

M. Koelreuter a fait plusieurs essais sur les digitales & les lobelies, qui ont plus ou moins réussi ; il prit de la poussière fécondante de la digitale pourprée, qu’il répandit sur les pistils de la digitale jaunâtre. Ces expériences répétées pendant treize années de suite, lui ont toujours réussi. La nouvelle plante ou l’hybride tient des deux, mais elle est plus forte, plus vivace & plus parfaite. Les deux digitales passent au bout de deux ans, & leurs racines ne subsistent pas davantage. La nouvelle, au contraire, est vivace ; sa tige s’élève de 6 à 8 pieds, & produit beaucoup plus de branches. Si cependant elle est plus forte que la digitale jaunâtre, elle l’est bien moins que la pourprée ; ses feuilles sont lancéolées plus largement, d’un vert plus gai que celles de la digitale jaunâtre ; celles d’en-bas sont pétiolées, au lieu que celle de la digitale jaunâtre sont toutes sessiles, & que la pourprée est vraiment pétiolée. À peine trouve-t-on du pourpré dans les tiges, les pétioles & les nerfs des feuilles de la pourprée. Les pétioles sont moindres que ceux de la jaunâtre, mais beaucoup plus grands que ceux de la digitale pourprée. Ses fleurs, pour la grandeur & la conformation, tiennent le milieu entre celles de la digitale jaunâtre & la pourprée. La corolle annonce encore mieux qu’elle est le résultat des deux plantes ; car elle est d’un rouge tendre mêlé d’un peu de jaune, tiquetée dans l’intérieur, de petites taches pourprées entourées de rouge : quelquefois les fleurs se sont trouvées extérieure-