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leurs cellules ; à l’irritation, au déchirement des membranes, des tendons & des nerfs ; à la compression, à l’anéantissement, à l’inflammation des tuyaux voisins de la solution de continuité ; enfin, à la contusion des parties molles qui se rencontrent entre la cause vulnérante & l’os.

Des symptômes univoques des fractures. Les preuves certaines de la fracture sont les vides, les inégalités résultans des pièces d’os déplacés, la crépitation ou le bruit occasionné par le frottement de ces mêmes pièces, lorsque la portion supérieure du membre, étant fixement maintenue, on en remue la portion inférieure ; & l’état du membre qui plie dans l’endroit cassé ; cette même portion inférieure qui est plus ou moins mobile & pendante ; la douleur, la difficulté du mouvement, & l’impossibilité de tout appui sur la partie lésée.

Quant aux preuves certaines de la réalité de la fissure, elles font très-difficiles à acquérir ; elles se bornent néanmoins aux tumeurs qui les accompagnent, & quelquefois à l’inflammation, à la suppuration & à la carie. (Voyez Carie)

Est-il possible de guérir les fractures dans les animaux ? M. de Soleysel proteste avoir vu un mulet & un cheval parfaitement guéris ; le premier, d’une fracture à la cuisse ; le second, d’une fracture compliquée au bras. En 1778, nous assistâmes, à S. Affrique en Rouergue, à la réduction de l’os du canon d’un mulet âgé de deux ans, fracturé par un coup de pierre, & qui fut guéri en quarante-cinq jours. Si néanmoins nous nous abandonnions aux impressions de la multitude, & sur-tout des gens de la campagne, nous déciderions que toute fracture est incurable dans l’animal ; en effet, on a imaginé que les os étoient dépourvus de moelle, & de ce fait, qui est absolument faux, parce qu’on n’a pas daigné le vérifier comme nous, on a conclu que dès qu’un os étoit fracturé, toute réunion étoit impossible. En supposant même que la nature eût négligé, relativement au cheval & à tous les autres animaux, de prendre toutes les précautions pour corriger, par le moyen de la moelle, la rigidité des os, il s’ensuivroit seulement que ces parties seroient plus sèches & plus cassantes, & l’on ne pourroit tirer d’autres conséquences de leur fragilité, que le danger toujours prochain des fractures.

Si les fractures sont curables, on ne doit point le rapporter, ni à la matière huileuse & subtile dont les vésicules osseuses sont remplies, ni à la masse moelleuse contenue dans les grandes cavités des os, mais seulement aux vaisseaux innombrables qui traversent le périoste ; il en est qui pénètrent dans leurs cellules & dans leurs portions caverneuses ; il en est d’autres qui s’insinuent dans leur substance, & qui y portent des fluides & un suc lymphatique qui, coulant & circulant dans les tuyaux de leurs fibres, réparent toute dissipation. Cette lymphe, ou le suc nourricier qui parcourt les fibres, ne peut que s’épancher à leur ouverture, il s’y épaissit ; ainsi, dans la circonstance d’une fracture, il se congèle à l’embouchure de chaque conduit osseux, comme à l’orifice des canaux ouverts dans la circonstance d’une plaie dans les