Cours d’agriculture (Rozier)/CARIE

Hôtel Serpente (Tome secondp. 569-571).
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CARIE, Médecine vétérinaire. La carie est aux os ce que la gangrène est aux chairs. Nous pouvons donc la définir une solution de continuité dans un os, accompagnée de perte de substance, laquelle peut être occasionnée par une humeur âcre & rongeante.

Nous distinguons la carie en raboteuse & en vermoulue.

Dans la première, l’artiste vétérinaire, ou le maréchal, sent, au moyen de la sonde, des aspérités & des inégalités sur la surface de l’os.

Dans la seconde, l’os est réduit en une espèce de poudre semblable à celle que l’on obtient du bois rongé par les vers ; c’est pourquoi nous l’appelons vermoulue.

Causes de la carie. La carie provient de l’affluence continuelle d’une humeur viciée sur l’os, ou de l’acrimonie de cette même humeur, de fracture, de luxation, des fortes contusions, des ulcères morveux & farcineux, des médicamens corrosifs inconsidérément employés par le maréchal dans le traitement des plaies, & sur-tout de ce que l’os, dans une plaie qui le laisse à découvert, reste long-tems à nu & exposé au contact de l’air.

Traitement. Dans le traitement de la carie il s’agit : 1o. d’en empêcher le progrès ; 2o. de la détruire en faisant séparer la partie cariée de la partie saine.

Dans le premier cas, les remèdes propres pour s’opposer aux progrès de la carie, sont la teinture de myrrhe & d’aloës, l’eau-de-vie camphrée, l’essence de térébenthine, dont on imbibe de petits plumaceaux, & que l’on applique sur la partie cariée. La teinture d’aloës seule nous a suffi plus d’une fois pour provoquer l’exfoliation des apophises épineuses des vertèbres dorsales de deux chevaux, qui avoient été cariées par le séjour de la matière, à la suite d’un mal de garot.

Il peut cependant arriver que ces topiques soient insuffisans. C’est ici le second cas, c’est-à-dire, celui où il faut détruire la carie en séparant la partie gâtée de la partie saine. On y parviendra par l’application du feu ou du cautère actuel. La carie une fois desséchée par le feu, l’exfoliation se fait dans quelques jours, parce que le suc nourricier soutenant les lames osseuses dont l’organisation est détruite, les sépare de la partie de l’os ; de manière qu’il ne reste plus alors qu’un ulcère simple, qui se déterge & se cicatrise comme une plaie ordinaire.

La carie attaque ordinairement le cartilage de l’os du pied dans le javart encorné. (Voyez Javart) Le cartilage ne pouvant s’exfolier, le javart devient incurable, à moins de faire l’extirpation du cartilage en entier, parce qu’il est prouvé par l’expérience que le cartilage carié seulement dans un de ses points, est peu-à-peu gagné par la carie : c’est aussi par la même raison que la carie de l’os de la noix, à la suite d’un clou de rue, est incurable, cet os étant couvert d’un cartilage dans toute sa surface : elle n’est curable que lorsque le cheval est vieux, parce que, dit le célèbre hyppiatre françois, M. la Fosse, « il guérit alors aisément, le cartilage étant ossifié ou usé par l’âge. » M. T.


Carie, Jardinage. L’organisation des plantes étant la même que celle de l’homme, à quelques modifications près, il doit en résulter les mêmes principes de destruction. En effet, la substance de l’arbre se carie comme celle des os. Plusieurs causes concourent à établir la carie sur un arbre ; les unes sont extérieures, & les autres intérieures. Parmi les premières, l’on compte les coups donnés contre un arbre avec des corps durs qui écrasent l’écorce, endommagent l’aubier & la substance ligneuse ; les plaies faites avec des instrumens tranchans, lors de la taille, sur-tout quand on abat des maîtresses branches, & qu’on ne recouvre pas la plaie avec l’onguent de Saint-Fiacre. (Voyez ce mot) L’extravasation de la sève, l’action du soleil, de l’air, des gelées, des pluies, des rosées, &c. entretiennent & augmentent la carie, rendent la plaie plus profonde, & elle gagne insensiblement le cœur de l’arbre, fait périr les branches, & souvent l’arbre lui-même.

Les causes intérieures sont, ou une transpiration arrêtée, qui forme un dépôt sur une partie ; cette humeur se vicie bientôt au point d’attaquer & ronger le bois sous l’écorce : ou une sève viciée par un principe quelconque qui circule avec elle ; mais aucune substance n’y contribue plus efficacement que la gomme sur tous les arbres à noyaux.

Dès qu’on s’apperçoit de la carie, il convient d’y apporter un prompt remède, soit en amputant la branche ou la partie endommagée, en taillant jusqu’au vif, & recouvrant la plaie avec l’onguent de Saint-Fiacre, si le mal est local ; soit en donnant quelques bouillons, (voyez ce mot) si la cause du mal tient à une sève viciée.


Carie des Blés. (Voyez Froment)