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jour, rabougrit & périt en peu de temps. Le grenadier est, sans contredit, l’arbrisseau qui réussit le mieux ; il aime la forte chaleur, & ses rameaux & ses feuilles sont respectés par les troupeaux. Dans le cas qu’on ait de l’eau à sa disposition, ce qui est fort rare dans les champs, des boutures plantées à neuf ou douze pouces de distance les unes des autres, formeront bientôt une haie. Dans le cas contraire, il est indispensable de planter des pieds bien enracinés. Leur reprise est assurée dans ces provinces, si la plantation a lieu aussi-tôt après la chute des feuilles, c’est-à-dire, en novembre ou au commencement de Décembre au plus tard. Les pluies de l’hiver serrent la terre contre les racines, elles travaillent même pendant cette saison, parce que le froid n’est pas rigoureux ou il est de peu de durée. Si on attend la fin de février ou le mois de mars pour la plantation, la reprise devient difficile ; la chaleur jointe à la sécheresse suspend la végétation. Le pied, la partie enterrée ne meurt pas toujours, même il est assez commun de le voir repousser au printemps suivant, quoique la partie hors de terre soit morte & desséchée.

Ce qui nuit le plus à l’avancement des haies est la multiplicité des tiges qui poussent du collet des racines. Si on ne les supprime pas, l’arbrisseau se change en buisson, les tiges se multiplient encore & occupent çà & là une étendue de terrain considérable, sans former une haie. Il est donc essentiel de supprimer les rejetons parasites, de ne conserver que le maître pied, & de ne lui laisser, à la seconde année de la reprise, qu’un seul & le meilleur jet : à la troisième, on supprime les branches inférieures jusqu’à la moitié de sa hauteur, & on ne conserve au sommet que deux ou trois de ses bourgeons (voyez ce mot). Alors ce pied est élancé & souvent médiocre en grosseur ; cependant il est & sera par la suite l’âme de la haie. J’insiste sur cet article, parce qu’on aura une clôture impénétrable, même aux chiens, si, dans la suite, on greffe par approche (voyez ce mot) les pieds les uns avec les autres, comme il sera dit au mot haie.

Il est indispensable de donner, le plus promptement qu’on le peut, à la haie, la hauteur qu’elle doit avoir, ce qui facilite la suppression des branches de deux ans & conserve le bois nouveau à la taille. Sans cette précaution, le bois de deux ans se charge de fruits, & ne pousse plus de bourgeons vigoureux.

Cette manière d’opérer est contradictoire à celle de presque tous les arbres ou arbustes ; cependant elle est établie sur ce point. Le bois du grenadier de la seconde & même de la troisième année, produit de nouveaux yeux qui dans la suite garnissent & remplissent les places vides ; mais passé cette époque, il est rare de le voir donner de nouveaux bourgeons. Joignez à cet avantage celui de pousser des tiges par le collet des racines, & on concevra sans peine la facilité de former de bonnes haies. Qui croiroit après cela, que de telles haies soient très rares en Provence ou en Languedoc ? Les petits soins qu’elles exigent, comme toutes les haies en général, ne sont pas du goût des propriétaires ; cependant la tonte annuelle de ces clôtures fourniroit du bois à brûler