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est inutile. Si on a des bouteilles à ficeler, on peut suppléer le goudron, en imbibant les ficelles avec de l’huile de noix ou telle autre huile siccative, les laisser sécher ensuite, & ne s’en servir que lorsqu’elles seront bien sèches.

Malgré ce que je viens de dire, si on persiste à vouloir goudronner les bouteilles, en voici le procédé : on doit entretenir un feu égal sous le vase qui contient les matières fondues. Sans cette précaution, le goudron est trop fluide, & la couche qui reste sur le goulot de la bouteille est trop mince : elle sera, au contraire, trop épaisse, si le goudron n’est pas assez chaud ; la couche sera du double ou du triple trop forte, & en pure perte de la matière. Pour s’assurer du degré de fluidité convenable, il faut essayer à plusieurs reprises, & l’expérience seule apprend à le connoître.

On tenteroit en vain de goudronner une bouteille, si le verre ou le bouchon, ou tous deux ensemble sont mouillés. Les corps graisseux, huileux, résineux, ne peuvent s’unir avec l’eau. Après avoir rempli & bouché la bouteille, on emportera avec un couteau bien affilé l’excédent du bouchon qu’on n’aura pu chasser en dedans, & on fera très-bien de remettre au lendemain l’opération du goudronnage. Un homme prend par le milieu & de chaque main une bouteille, plonge dans le goudron l’extrémité du col jusqu’à l’anneau, & par un tour de poignet, lui fait décrire un demi cercle ; ensuite relevant la main, la tourne & retourne jusqu’à ce que le goudron ait pris de la consistance & soit répandu en couche égale ; enfin, il se débarrasse de ces deux bouteilles pour successivement en prendre de nouvelles. Si on désire appliquer son cachet sur le goudron encore un peu chaud, on doit tenir ce cachet dans l’eau & l’y replonger chaque fois ; autrement il s’échaufferoit & le goudron s’y attacheroit de manière qu’il seroit impossible d’imprimer son chiffre, &c.


GOURMAND. Les jardiniers & tailleurs d’arbres désignent sous ce nom les branches nouvelles dont la végétation est si vigoureuse qu’elles affament & épuisent toutes les branches voisines.

Les arbres forestiers, les arbres livrés à eux-mêmes, depuis la première germination de leur graine, ne poussent point de bois gourmand, (voyez le mot Branche, il y est question des différentes branches gourmandes) parce que les racines sont en proportion des troncs, des branches, & que la force des branches conserve un parfait équilibre entr’elles ; enfin, parce que c’est l’arbre naturel. Au contraire, l’arbre éduqué, maniéré, maîtrisé par la serpette, & les trois quarts du temps gâté & massacré, en pousse beaucoup ; dans ce cas, la nature cherche à reprendre ses droits & l’arbre à regagner la hauteur naturelle qu’il auroit eue si la main de l’homme ne l’avoit réduit à la servitude. Ces gourmands, si terribles entre les mains des ignorans, si funestes aux arbres en espaliers ou en buissons, (voyez ces mots) sont cependant les ressources les plus précieuses & les plus sûres de la nature & dont l’artiste intelligent retire des avantages sans nombre. Au