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coup, elle en sera bientôt couverte. La raison en est simple ; le garde est chargé de les détruire & à tirer dessus pendant tout le temps de l’année ; il trouve, dans leur proscription, une nourriture quotidienne, & le prix de la peau de l’animal, qui se vend de six à sept sols. C’est un revenu sur lequel il compte ; & pour s’assurer & augmenter les bénéfices, il faut donc laisser aux lapins le droit de dévaster les champs voisins ; de sorte que ce seul homme & les plaisirs du seigneur équivalent à une imposition, une taille réelle sur les biens d’une paroisse.

Je ne dirai pas, quant à la conservation des bois, que ces gardes s’entendent avec les particuliers, & qu’ils leur en vendent en les laissant voler pour le décuple de ce qu’ils en ont reçu ; c’est un mal sans remède.


GARENNE. Espace de terrain peuplé de lapins, & où l’on prend soin de les conserver. Il seroit bien à désirer, pour les malheureux cultivateurs, que ce mot fût inconnu dans notre langue. Tout le monde a applaudi à la bienfaisance du prince de Conti, qui a fait environner de murs sa garenne de l’Isle-Adam. Cent lapins trouvent à peine de quoi vivre sur un arpent, (voyez ce mot) & ce maudit animal cause la ruine des taillis, des jeunes vignes, des oseraies, &c. par la fureur qu’il a de ronger. Veut-on un exemple bien palpable du dommage causé par les lapins ? le voici : M. le cardinal de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen, & seigneur de la terre de Gaillon, avoit une garenne non murée, qu’il affermoit 1200 liv. Touché de la calamité de ses vassaux, il ordonna de détruire & d’exterminer les lapins dans le courant de l’hiver. Il en est résulté que cette même année la dixme seule a augmenté de 1000 liv. ; ainsi, en la prenant pour le onzième du produit net, les habitans ont eu un bénéfice de 10000 liv., qui doit nécessairement augmenter dans les années suivantes. Au sacrifice de M. le cardinal, on reconnoît l’esprit bienfaisant qui anime toute la famille des la Rochefoucauld.

Quand aurons-nous le bonheur de voir en France établir par-tout la coutume de Meaux, qui s’exprime ainsi : Aucun ne peut tenir garennes jurées, supposé qu’il ait haute justice en sa terre, s’il n’a pas permission du roi, titre particulier & exprès, ou telle & si longue jouissance, qu’il ne soit mémoire du commencement ni du contraire. Cette sage coutume auroit dû ajouter que toute garenne seroit murée.

Plusieurs auteurs se sont occupés des soins nécessaires à leur établissement, à la manière de les peupler, de les conserver ; quant à moi, vraiment ami des cultivateurs, je vais leur apprendre à les détruire, quand ils en auront le droit ou la permission. Il est aisé de peupler une garenne ; il n’en est pas ainsi quand il faut la supprimer : la marche du mal est rapide, & celle du bien très lente. La chasse au fusil sert plus à l’amusement qu’à la réalité ; il en est ainsi des lacets, & ; celle du furet est plus sûre, mais ne coupe pas le mal par la racine ; il est plus expéditif de boucher les terriers.

On appelle terriers les ouvertures