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suffisans ; que si la terre a peu de liant, on est forcé de donner l’angle de 45 degrés. Les parois doivent chaque année être rafraîchis, c’est à-dire, bien égalisés & bien unis, parce que si des plantes, des arbrisseaux, des racines, ou des pierres, forment des éminences, il est clair que s’il survient un courant d’eau sa rapidité sera augmentée par la résistance qu’il trouvera, & nécessairement il se formera un plus grand courant par derrière, & par conséquent un affouillement des terres, tandis que, si la surface avoit été bien unie, l’eau auroit glissé & n’auroit rien endommagé.


FOUDRE. Très-grand vaisseau destiné à recevoir du vin. Tout le monde a entendu parler des foudres d’Heidelberg, ou autrement de la fameuse tonne de l’électeur, & qui contient plus de deux cents barriques.

Il est fâcheux que l’usage de ces grands vaisseaux ne se soit pas introduit dans nos immenses vignobles ; ils offrent la plus grande de toutes les économies, & peut-être le moyen le plus décidé de perfectionner le vin. On peut les construire ou en béton, (voyez ce mot) ou avec de forts madriers. J’indiquerai au mot Tonneau la manière de les construire. J’avertirai seulement ici que si le foudre est en béton, il faut, pendant les deux premières années, avant de lui confier du vin, y laisser fermenter la vendange commune, afin que la chaux, quoique cristallisée dans le mortier, ne réagisse pas sur le vin, ou plutôt afin que l’acide du vin ne travaille pas sur l’alcali de la chaux, & que de cette union il n’en résulte pas un sel neutre qui resteroit en dissolution dans le vin. Si l’on se sert de madriers de chêne ou de châtaignier, il est indispensable de les tenir pendant plusieurs mois exposés au courant de l’eau, afin qu’elle enlève & dissipe leur astriction, & qu’ils ne communiquent pas au vin un goût âpre, amer & désagréable. La prudence exige encore que la vendange la plus commune y éprouve au moins, dans la première année, sa fermentation tumultueuse. Dans le Valais les foudres sont construits avec du bois de sapin.

Il est démontré, même géométriquement, que plus le vin est réuni en grande masse, & mieux s’exécute sa fermentation tumultueuse, & plus se perfectionne la fermentation insensible. (Voyez Fermentation) Il est également démontré que plus les parois du vaisseau vinaire sont épaisses, & moins il y a d’évaporation dans le fluide. Il est également prouvé que les vicissitudes & les perpétuelles variations de l’atmosphère ont moins d’action sur le vin en raison de l’épaisseur des douves. Il résulte donc très-clairement & très-positivement de ces faits, fondés sur l’expérience la plus soutenue, que le vin se perfectionne lorsqu’il est en grande masse ; qu’il n’y a point ou presque point d’évaporation de la liqueur, & sur-tout de son spiritueux ; enfin, que le chaud & le froid n’ont presqu’aucune prise sur le fluide. De quel avantage ne seroient donc pas ces grands vaisseaux dans nos provinces méridionales où l’on ne connoît pas l’usage des caves, & où l’on se contente de méchans celliers qu’on honore du nom de cave ? Je conviens que dans ces