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Fig. 2 & 3, pag. 309 du second Volume, pour vanner & cribler le grain, ont beaucoup plus de peine, attendu la quantité de petites pailles mêlées avec lui, que lorsque le grain a été séparé par le fléau. Somme totale, le battage au fléau est plus économique, & le dépiquage plus expéditif. Cette dernière méthode est celle de l’Espagne, de l’Italie & de nos provinces méridionales ; elle étoit connue des Juifs, puisqu’il en est fait mention dans les Livres saints.

Le besoin, & peut-être une économie mal entendue, a donné l’idée du dépiquage. Dans cette saison les bras sont rares, tout homme est occupé & par conséquent son salaire est cher. On a des mules, des chevaux, on veut les employer afin de ne pas débourser de l’argent, & on les occupe à dépiquer ; mais pendant que ces animaux sont ainsi occupés, ils ne labourent pas les champs, on n’en prend pas d’autres pour les suppléer. Cependant le moment presse, la terre demande à être travaillée, le temps des semailles approche, enfin on est en retard lorsque le moment est venu ; les animaux sont excédés, & en un mot le travail est mal fait, le tout pour n’avoir pas voulu débourser de l’argent. C’est prendre dans une poche pour mettre dans une autre & on n’en est pas plus riche. On ne sauroit trop le répéter, ce qu’il y a de plus précieux pour les gens de la campagne, c’est le temps. Sur cent cultivateurs on en trouvera à peine un seul qui ait de l’avance pour son travail. On se plaint ensuite que les terres ne rapportent pas : labourez à propos & labourez bien, & vos champs rendront plus que ceux de vos voisins. Ceux qui s’obstinent à vouloir faire dépiquer, doivent louer des bêtes & ne pas détourner les leurs du labourage, parce que le déboursé n’est qu’apparent & non réel quant au fond.

L’assertion que les mules & les bœufs ne mangent pas la paille entière, porte à faux ; j’ai la preuve la plus convaincante du contraire, & je puis dire que le fléau la brise assez dans les pays où cette méthode est en usage, parce que la chaleur y est très-forte & que la paille s’y brise très-bien pourvu qu’il n’y règne pas des vents de mer, toujours humides & pénétrans ; mais tant que ces vents ramollissent la paille, enflent le grain dans sa balle, on ne dépique pas avec les mules, attendu que trois paires ne feront pas dans un jour ce qu’une paire feroit par un temps sec, & encore il restera beaucoup de grains dans l’épi. Si on veut accoutumer l’animal à manger la paille entière, il suffit de faire un lit de paille de cinq à six pouces d’épaisseur par-dessus un semblable lit de luzerne, ou d’esparcette, ou de foin, & ainsi de suite ; elle en contractera l’odeur & même le goût, & l’animal ne la laissera pas de côté lorsqu’on lui donnera ce mélange. D’ailleurs, il n’y a aucune comparaison à faire entre la paille des provinces méridionales, considérée comme nourriture, avec celle de nos provinces du nord. La première est infiniment plus sucrée & par conséquent plus nourrissante.

Au mot Fléau j’ai donné la description de plusieurs machines in-