Cours d’agriculture (Rozier)/FLÉAU

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 641-649).
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FLÉAU. Instrument dont on se sert pour battre le blé, composé de deux bâtons attachés l’un au bout de l’autre avec des courroies.

La forme de cet infiniment varie dans nos provinces ; ici le manche est aussi long que le morceau qui frappe la paille ; là il est plus long ; ailleurs plus court ; dans quelques endroits, le fléau proprement dit est plus gros que le manche & plus court ; dans d’autres, aussi gros l’un que l’autre. Lequel doit-on préférer ? Chacun a son avantage & son inconvénient. Le manche long & le fléau court amène un coup plus fort ; le fléau long & le manche court frappe sur une plus grande surface, & n’a point autant de force. Celui à fléau court, gros & d’un bois léger, fait mieux trémousser la paille ; & celui à fléau égal au manche en grosseur & en longueur, n’agit pas aussi bien sur la paille. Un point essentiel consiste dans la manière dont les courroies sont passées les unes dans les autres. Il faut que le fléau tourne facilement lorsque le batteur le ramène & qu’il frappe son coup. Ce n’est pas la force de ce coup qui, jusqu’à un certain point, détache le grain de l’épi ; le contre-coup & le soubresaut y contribuent beaucoup plus. C’est la raison pour laquelle les batteurs ne frappent pas ensemble, mais l’un après l’autre, afin que le fléau qui tombe, trouve la paille soulevée par le coup qui a précédé. Quand il y auroit vingt batteurs sur une aire, il faut que les coups se succèdent sans interruption, & que jamais deux fléaux ne frappent à la fois. Il est bon que le bout du fléau soit terminé par un nœud du bois ; alors il s’use moins & frappe plus fort, attendu que le point le plus pesant se trouve au bout. Si ce nœud est trop gros, par conséquent trop pesant, il sera très-difficile au batteur d’amener un coup horizontal sur la paille, & toute la force se trouvera au bout & non pas dans l’étendue du fléau ; que si le bout est plus mince que celui attaché aux courroies, il agira plutôt comme un fouet que comme un fléau.

On place de différentes manières les courroies, afin d’assujettir ensemble le manche & le fléau, sans faire perdre à ce dernier sa mobilité. Deux lanières de cuir sont disposées en croix au haut du manche, fortement liées sur lui, & elles le débordent d’un pouce. De semblables courroies, également attachées, placées comme les premières, & qui les traversent, assujettissent le fléau au manche. Quelques-uns se contentent d’une seule lanière, soit au manche, soit au fléau. Cette méthode est défectueuse, en ce que le frottement sans cesse répété, use ces lanières les unes contre les autres, & le batteur est sans cesse obligé d’en suppléer d’autres & de ratacher : on perd beaucoup de temps. Il me paroît qu’on doit préférer le manche armé d’une seule courroie large & épaisse, ainsi que le fléau, & qui sont l’une & l’autre réunies par un double bouton de bois, de cuivre, & à deux têtes arrondies. Tout le monde connoît les boutons de culotte, soit en ivoire, en corne ou en bois : ils ont deux têtes aplaties ; voilà en quoi ils diffèrent de ceux dont je parle, & par le rapprochement de leurs deux têtes. Si les premiers avoient des arrêtes vives comme les derniers, la courroie seroit plutôt usée ; mais avec les têtes arrondies par leur sommet, le frottement use très-peu la courroie qui glisse par-dessus. Dans plusieurs provinces, le sommet du manche, d’un bois très-dur, est terminé en bouton plat par-dessous & arrondi par-dessus. Ce bouton entre dans la courroie épaisse, ou simple, ou croisée, (ce qui vaut mieux) qui est fortement assujettie à l’origine du fléau. Cette manière est la plus simple & la meilleure que je connoisse. Aux courroies on supplée souvent par les nerfs de bœuf ramollis dans l’eau, lorsqu’on prépare les fléaux, & ces nerfs durent beaucoup plus que les courroies.

Si l’on fait battre le blé à journées, & non à prix fait, il est très important d’examiner, lorsque l’ouvrier vient à l’ouvrage, si son fléau est en état ; le soir, lorsque le travail est fini, d’examiner chaque fléau séparément, afin de l’obliger de le réparer dans la veillée. Sans cette précaution, le batteur perdra habituellement un quart ou tiers de la journée à raccommoder son fléau. Comme il ne demande pas mieux que de multiplier les journées, toujours chères dans l’été, & à cette époque, il faut exiger de lui qu’il ait au moins un second fléau de rechange, & le prévenir qu’on ne lui tiendra pas compte du temps qu’il mettra à raccommoder son fléau sur l’aire.

La longueur de l’opération du battage, la dépense très-forte qu’il exige, même la dureté du travail pour les batteurs, ont engagé plusieurs personnes à chercher des machines capables de détacher le grain de l’épi, de diminuer la durée du travail, & les frais qu’il entraîne. Plusieurs de ces machines sont très-ingénieuses & assez simples ; mais elles péchent toujours par un point essentiel, celui de donner un coup sec, sous lequel la paille n’éprouve aucun soubresaut. D’après la combinaison de plusieurs de ces machines, j’en fis construire une : les fléaux tomboient fort bien l’un après l’autre, les coups étoient réglés & forts ; un seul homme, sans beaucoup de peine, faisoit mouvoir six fléaux. Un autre homme, par le moyen d’un tourniquet & d’une poulie attachée à un piquet placé aux deux extrémités opposées de l’aire, promenoit la machine sur toute sa longueur : en un mot, elle alloit, venoit très-bien, &c. mais nul soubresaut ; & l’amour propre de l’auteur fut déconcerté par ce seul & véritable inconvénient. C’est bien pis lorsque tous les fléaux tombent à la fois. Je crois qu’à bien prendre, il faut encore revenir à l’ancienne méthode, quoique lente & dispendieuse. D’ailleurs, une machine entre les mains des paysans, tant simple soit-elle, est bientôt détraquée. Cependant, pour ne rien laisser à désirer, je vais parler de celles qui ont été regardées comme les plus avantageuses.

Machine de M. Foester.

I. De la forme, grandeur, longueur, largeur, & hauteur de la machine. (Voyez Pl. IX, Fig. I.) Les parties A & D de la Figure 1, représentent les deus grandes roues ; C & B les deux lanternes… ; E, H, F, & G, K, I, trois parallélépipèdes de même grandeur & de même forme… ; H, I, & I, K, deux autres parallélépipèdes, aussi de même grandeur & de même forme l’un & l’autre… ; R, S, un autre parallélépipède… ; L, M, N, O, P & Q, six arcs boutans de même forme & de même grandeur, ayant des supports pour leur base… ; T, U, V, S, quatre autres arcs boutans de même forme, de même grandeur, & ayant pareillement des supports pour base.

g, h, représentent un arbre placé horizontalement, formant un parallélépipède ou un arc-boutant quarré par les deux bouts : g, v, h, k, à chaque bout de cet arbre, k & v, sont six renforts découpés en forme de bâtons cylindriques, représentant des manches de fléau.

On voit ensuite, kx, lz, maa, nbb, occ, pdd, qee, rff, fgg, thh, ukk, & vmm, qui sont douze bâtons cylindriques de même forme & de même grandeur.

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 & 12, sont douze masses de fléau de même grandeur & de même forme ; on les prendroit pour des rouleaux.

a, b, c, d & e, f, sont trois bâtons cylindriques de différentes grandeurs, ce qui forme une manivelle.

Quant à la longueur, largeur & hauteur de toutes ces parties, on donne une échelle de longueur de huit pieds de roi, divisée par pieds & pouces. Au moyen de cette échelle, on peut exécuter une batte à grains en grand.

La roue étoilée ou verticale A a deux pieds de diamètre, & son épaisseur est de trois pouces.

L’autre roue étoilée ou verticale D a deux pieds huit pouces de diamètre, & son épaisseur est de trois pouces.

La lanterne B a douze pouces de diamètre, & autant d’épaisseur.

La lanterne C a seize pouces de diamètre & d’épaisseur.

Chacun des trois parallélipipèdes E, H, FI, GK, a six pouces de largeur, quatre d’épaisseur, & trois pieds & demi de longueur.

La base des parallélipipèdes HI, IK, a de même six pouces de largeur, quatre d’épaisseur, & trois pieds & demi de longueur.

Chacun des six arc-boutans M, N, O, P & Q, a environ deux pieds deux pouces de longueur, & leur épaisseur est la même que celle des trois parallélipipèdes ci-dessus.

Le parallélipipède RS est de même largeur, épaisseur, base, hauteur, que les trois autres ci-dessus.

Les arc-boutans T, U, V, X, sont de même grandeur, longueur, largeur que ceux des parallélipipèdes dont on vient de parler.

L’arbre gh doit être d’environ neuf pieds. Chacune, de ses extrémités gu & hk, a deux pieds ou environ. La pièce du milieu, ku, qui contient les cylindres kq, lr, ms, nt, ou, pv, a cinq pieds ou environ. L’épaisseur de l’arbre, du côté gh, est de cinq pouces, & le milieu, où passent les pièces cylindriques qu’on vient de nommer, a onze pouces environ d’épaisseur.

Chacun des douze bâtons cylindriques kx, lz, maa, nbb, occ, pdd, & ceux qee, rff, fgg, thh, ukk, vmm, a quatre pieds & demi de long, & deux pouces d’épaisseur.

Chacun des douze fléaux a trois pieds & demi de long, & trois pouces environ de grosseur.

La longueur de chaque fuseau qui est dans les deux lanternes B & C, est de quatorze pouces.

Chaque essieu des roues & des lanternes peut avoir deux pouces & demi de grosseur, ainsi que les bâtons cylindriques cd & ef.

La pièce qui sert d’essieu dans la roue verticale A peut être longue de onze pouces en dehors du parallèlipipède GK.

Le bâton cylindrique cd peut avoir quinze pouces de long, & le bâton ef un pied.

Telle est la construction proportionnée de la machine de M. Foester.

Il. De la jonction de toutes les parties de la machine. Les trois pièces de bois EH, FI & GK, & celles HI, IK, forment des parallélipipèdes. Les pieds ou arc-boutans L, M, N, O, P, Q, qui sont aux deux parallélépipèdes EH & GK, supportent les trois premières pièces ci-dessus.

De l’autre côté de la figure se trouve un nouveau parallélipipède RS, qui est soutenu également par quatre arc-boutans T, U, V, X, lesquels sont parallèles à ceux ci-dessus, L, M, N, O, P, Q.

On pose communément cette machine sur un terrein plan ou uni. L’arbre gh fait un parfait rectangle avec les deux parallélipipèdes RS & EH.

Sur cet arbre se trouvent placés douze bâtons cylindriques k, l, m, n, o, p, q, r, s, r, u, v, lesquels forment encore des rectangles parfaits avec le même arbre, & sont autant de parallèles avec eux-mêmes.

Les deux roues AD sont perpendiculaires ; les lanternes BC sont horizontales, & leurs essieux sont placés horizontalement.

Le bâton cylindrique cd, a une manivelle ef : l’un de ses bouts E, est joint à la pièce ab, qui est l’essieu de la roue étoilée A ; cet essieu traverse la parallélipipède GK, seulement le bâton cd fait un triangle avec la manivelle ef & l’essieu ab.

Le parallélipipède RS ne doit être percé que pour recevoir un des bouts de l’arbre ; mais chacun des trois autres EH, FI, & GK, doivent l’être deux fois pour recevoir les essieux de sa roue & de sa lanterne.

Les pieds sur lesquels la machine est assise, doivent être fichés dans les parallélipipèdes EH, GK & RS, de manière lorsque que la machine est posée sur un terrein plan, la distance perpendiculaire qui doit être entre les bouts inférieurs de chacun de ces parallélipipèdes & le terrein plan, est de seize pouces ou environ.

Le fuseau inférieur de la lanterne & de la roue doit être placé à la hauteur de deux pouces & demi, ou environ, de la pièce de traverse qui soutient les trois parallélépipèdes, & cette pièce de traverse doit être élevée au-dessus du terrain plan pp & qq, de quatorze pouces ou environ.

La roue verticale D doit être placée sur l’essieu de la lanterne B, entre les deux pièces EH & FI ; & l’essieu doit traverser à cet effet les trois pièces GK, FI & EH. Le trou à percer dans la pièce EH doit être aussi éloigné du point H que les deux autres trous qui servent pour le même essieu, le sont dans les pièces FI & GK du point I & du point K.

Les deux trous des pièces EH & FI, que l’essieu de la lanterne doit traverser, doivent être dans les mêmes proportions ou environ, que celles rapportées ci-dessus pour les deux pièces FI & GK, dont l’essieu fait tourner la lanterne B ; les deux trous des pièces EH & FI que doit traverser l’essieu de la lanterne C, doivent être percés dans la même distance de l’essieu de la roue verticale D, laquelle distance est dépendante de la grandeur du demi-diamètre de la roue verticale D. La lanterne C doit avoir le même essieu que l’arbre gh.

Au moyen de l’observation de ces distances, il se trouve que les fuseaux des lanternes BC ne gênent pas les dents qui entourent les roues verticales A & D.

Les douze fléaux doivent être attachés avec du cuir aux bâtons cylindriques, de façon que ces bâtons puissent se mouvoir devant & derrière dans ce cuir & non pas de côté. On évite par-là que ces masses de fléaux s’entrechoquent quand la machine est en mouvement ; mais comme il pourroit arriver que les fléaux venant à tomber sur le terrain plan avant les bâtons cylindriques fichés dans l’arbre gh, arrêtent le mouvement de la machine & l’endommagent, il faut clouer des plaques courbes au bout des bâtons cylindriques & en dehors, & disposer ces plaques de façon qu’elles soient environ de deux pouces plus longues que le cuir qui joint les fléaux aux mêmes bâtons.

La machine doit toujours être mue du même côté, parce que ces plaques courbes empêchent qu’elle ne soit mise en mouvement de l’autre.

On se sert de tenailles de fer pour comprimer fortement ces plaqués courbes autour des bâtons cylindriques, & l’on y pratique une rainure de chaque côté ; ces plaques doivent être jointes au bout des bâtons avec deux anneaux de fer.

Les deux rainures de fer doivent être jointes par leurs bouts à chacun de ces douze bâtons cylindriques, afin que chaque racine tombe sur le terrain plan, en parallèle avec les pièces RS & EH.

Les rainures doivent avoir quatre pouces de longueur, c’est à-dire, la même distance qui doit être entre les deux anneaux de fer courbes, doit avoir une longueur de dix pouces, & le cuir avec lequel chaque fléau est attaché aux bâtons cylindriques, doit être de trois pouces ou environ. La largeur des tirans doit être de la moitié de la circonférence de la plaque du bâton cylindrique.

Chacun des tirans doit former par le côté oblique deux angles droits de même longueur que la plaque courbe, mais la largeur doit être assujettie à celle des rainures.

Au milieu de chacun des 24 tirans, on doit placer un petit bouton auquel on puisse attacher les cuirs. Ces cuirs doivent avoir plusieurs trous en ligne directe, afin de pouvoir lever ou baisser le fléau à volonté.

Les tirans doivent être bien assujettis dans les rainures ; par ce moyen ils ne peuvent tomber quand la machine est en mouvement.

Les masses, comme on le voit dans la Figure, sont des bâtons tournés, attachés par le bout avec du cuir corroyé à des bâtons, & les douze bâtons cylindriques qui les supportent, sont joints pareillement par leurs bouts avec des cuirs au bout des douze masses.

L’arbre gh a six fléaux de chaque côté.

III. Du mouvement de la machìne. Pour donner le mouvement à toute cette machine avec le bras, un homme prend la manivelle EF, l’empoigne & la tourne. Cette manivelle qui est fixée sur l’essieu de la roue A, la fait mouvoir. Les dents de cette roue entrent dans les fuseaux de la lanterne B ; elles lui communiquent sa force, & cette lanterne lui obéit : il en est de même de la roue D placée sur l’essieu de la lanterne B ; ses dents entrent dans les fuseaux de la lanterne G, la forcent de tourner, & l’essieu de cette lanterne communique son mouvement de rotation à l’arbre gh, sur le bout duquel il est appliqué. Ce mouvement fait donc lever & baisser les fléaux, & ces fléaux en tombant à plat sur les gerbes qu’on place dessous, font sortir les grains des épis.

Machine de M. Hansen. Fig. 2.

L’auteur de cette machine est académicien de Copenhague, ainsi que M. Foester. Elle consiste dans un cadre ou châssis, qui contient six bâtons en forme de masses de fléaux. On pourroit en augmenter le nombre, si on le jugeoit à propos, &, au lieu de cadre, placer dans les murs l’arbre qui fait mouvoir les fléaux.

Le chevalet A a un trou en tête ; c’est-là qu’est fixé le tourrillon ou pivot de l’arbre ; le chevalet opposé, qui fait partie du cadre, est percé à la même hauteur du trou où se trouve le pivot en question, & le bout de l’arbre y passe, pour recevoir l’effet de la force, & être mu.

Aux deux côtés des cadres sont attachées des cordes, lesquelles soutiennent, étant tendues, les différens bâtons ou fléaux C, CC.

Ces cordes ont au moins quatre pieds de long, & elles contiennent les fléaux à deux endroits de leur partie supérieure. Elles doivent avoir quinze fils d’épaisseur, & ces fils doivent être bien tords. Il faut observer de ne jamais graisser ces cordes.

Ces cordes doivent être placées de manière qu’elles forment toujours un angle aux deux côtés du chevalet A.

On place la gerbe de grains sous ces fléaux, & lorsqu’ils ne frappent pas assez fort la paille, il faut tendre & bander davantage la corde qui les soutient, en tournant les chevilles auxquelles elle est fixée. Ces chevilles sont au nombre de dix ; elles sont placées tout le long des deux grandes parties du châssis, cinq sur celle d’en haut, & autant sur celle du bas. On observe de ne pas faire perdre au chevalet A sa position angulaire avec la corde B ; il faut, au surplus, qu’il soit placé un peu en pente.

Les chevilles DDD doivent être percées, afin que les cordes BBB les traversent, & qu’on puisse arrêter au haut des deux chevilles, le bout des cordes, au moyen d’un nœud.

La machine peut être mue plus ou moins fortement, lorsqu’on le juge à propos ; & lorsque l’on veut que les fléaux frappent bien loin, il faut pour lors raccourcir le chevalet A, & le redresser davantage. On l’élève ordinairement beaucoup, afin qu’une gerbe de paille, si grosse qu’elle soit, puisse être placée au dessous. De cette façon, le chevalet A & la courbure des fléaux GGG restent égaux. On peut, au surplus, raccourcir & alonger ces fléaux comme on le veut.

La roue E doit avoir deux pieds de diamètre ou environ : une fille, un garçon, ou même un chien, peuvent la tourner.

L’arbre F, sur lequel repose la roue, doit être hérissé de quatre leviers de bois, chacun séparément, en ligne directe & spirale ; de cette manière ils repassent tous à la fois sous le bout du fléau. Si l’on ne prenoit pas cette précaution, ces fléaux s’élèveraient & frapperoient la paille trop inégalement & avec trop de pesanteur.

Le bois de l’arbre doit être extrêmement droit, sur tout le long des fléaux… Pour douze fléaux, il faut un arbre de la longueur de trente-six pieds ou environ. Ces fléaux doivent être soutenus à une certaine distance de leur extrémité supérieure, par des chevalets entés sur la partie inférieure du châssis.

Je ne connoissois pas la machine de M. Hansen, lorsque je fis construire la mienne en 1766. Il falloit la force d’un homme, & non celle d’un enfant ou d’un chien, pour la faire mouvoir. Les hérissons de l’arbre portoient toujours sur les fléaux, attendu qu’ils étoient placés sur une double spirale ; de manière que deux fléaux frappoient par intermittence, lorsque les deux voisins venoient de s’élever, & les deux derniers étoient prêts à frapper. Leur action étoit rapide, bien intermittente, &, malgré cela, je préfère l’usage du fléau ordinaire. Je ne vois guère comment M. Hansen peut faire battre une grosse gerbe à la fois ; car, quoique les cordes de ma machine fussent bien tendues, je ne pouvois séparer le grain que d’un lit de paille de trois pouces de hauteur environ, ou, à peu de chose près, égal à celui des aires. Il falloit toujours être à raccourcir ou à alonger les cordes. La fraîcheur de la nuit, la rosée, les faisoient enfler & souvent casser ; l’ardeur du soleil les distendoit, de sorte qu’on perdoit beaucoup de temps. Somme totale, la machine a été reléguée sous le hangard. Comme depuis lors je n’ai fait exécuter aucune des machines que je décris, je ne puis les apprécier. On assure qu’en Dannemarck on fait usage de celle de M. Hansen, & qu’on s’en trouve bien.

Machine de Perpesson. Fig. 3.

L’auteur est un paysan suédois du village de Niurundal, province de Medelpadel. On la dit employée en Suède, & qu’on la trouve commode & peu dispendieuse.

Sa construction représente un chariot à plusieurs essieux & à plusieurs roues. Sa longueur aa est de cinq aunes suédoises ; (une aune de Suède est exactement la moitié d’une aune de Paris ; voyez ce mot) les roues fff sont au nombre de dix-huit ; dix de ces roues sont posées sur des essieux de fer ccc ; ces essieux sont enchâssés dans des traverses de bois bbb, & chacune de ces traverses de bois est de l’épaisseur de trois seizièmes d’aune.

Les autres quatre roues, qui sont à chacune des deux extrémités du chariot, posent sur un essieu entièrement de fer, & elles sont jointes de si près, qu’elles se touchent presque toutes par leurs moyeux.

La longueur des traverses, ou la largeur du chariot, n’est pas égale, comme on le voit dans la figure 3. La plus longue, & qui est placée au centre, est d’une aune cinq huitièmes ; la plus courte, & qui est aux extrémités, n’est que de trois quarts d’aune.

Les traverses montées sur les roues, sont attachées l’une à l’autre par des bâtons serrés par les bouts, & accrochés dans les anneaux eee ; ces anneaux sont pratiqués dans les traverses bbb. De manière que la machine peut être tournée & retournée librement, & être changée à volonté de place.

Aux deux extrémités du chariot, il se trouve une barre de fer aee & aee, qui a un anneau d, pour pouvoir y attacher une volée, & y atteler les chevaux.

Les roues, dont le dessein est en profil, Figures 3 & 4, sont de fer fondu ; elles ont un diamètre d’environ sept huitièmes d’aune, & l’anneau de la circonférence a deux pouces & demi en largeur, sur un pouce d’épaisseur.

Pour se servir de cette machine, on pratique une aire au milieu d’une grange, le long du mur ; mais, en ce dernier cas, il faut avoir soin de couvrir l’aire d’un auvent. La largeur de l’aire doit être de quatre aunes, ou, tout au plus, de cinq ; & lorsqu’on veut battre, on y étend les gerbes après les avoir déliées.

Un cheval attelé au chariot, le fait marcher, & l’on conduit cette marche de manière qu’en allant, l’animal touche à l’un des bords de l’aire, & qu’en revenant, il touche à l’autre bord.

Si la qualité du fer employé dans les roues & aux essieux est bonne, cette machine peut durer plusieurs générations d’un laboureur.

Son avantage est, dit-on, très-considérable. Un seul homme, qui tient le cheval par la bride, qui le retourne aux extrémités de l’aire, & qui, chaque fois qu’il le retourne, remue un peu les gerbes & en change la situation avec une fourche de bois, peut faire, en un jour, autant & plus d’ouvrage qu’il n’en feroit dans dix, par la manière ordinaire de battre. Si on veut employer deux ou trois personnes, pour aider à descendre les gerbes de blé, à les ranger sur l’aire, à les remuer, à les changer, à en ramasser le grain, à le vanner, à l’enlever, l’ouvrage n’en ira que plus vite, sur-tout si on attèle à la machine, deux chevaux au lieu d’un.

On reprocha à cette machine, lorsqu’elle parut, d’écraser les grains lorsqu’elle passoit dessus ; l’expérience a démontré la fausseté de cette assertion.