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tagieux de la semence infectée, & lui servir ensuite d’engrais. Il paroît même que la chaux à grande dose est en état de tout remplacer.

De quelque manière que la lessive exerce son action sur le froment moucheté, soit qu’elle décompose & détruise le principe contagieux en le combinant ou le volatilisant, soit qu’elle n’agisse que comme un détersif qui emporte la poussière de carie, il est toujours certain qu’elle produit l’effet annoncé, & qu’en adoptant tous les faits que M. Tillet a recueillis, il est démontré que les laboureurs qui apportent une attention scrupuleuse a la préparation de leurs semences, & à n’employer aucun fumier où il entre des pailles infectées, ne voient jamais leur moisson ravagée par les maladies. Il seroit donc à souhaiter qu’on ordonnât des essais authentiques de cette lessive dans chaque canton du royaume, avec l’appareil propre à enflammer les esprits, & qu’à l’approche des semailles, les curés des campagnes en fissent le sujet d’une instruction pastorale, à la portée des gens de la campagne.

Comme le chaulage & les lessives préparées & appliquées de la manière qu’il convient, préserveroient les grains des insectes, des maladies, leur donneroient en même temps plus de vigueur, pourquoi donc a-t-on recours quelquefois à ces prodiges de fécondité, qui nuisent plus à se végétation qu’ils ne la favorisent ? L’agriculture a malheureusement ses charlatans comme toutes les autres sciences, mais heureusement aussi elle a des principes certains ; il importe donc de se prémunir contre ces hommes à secrets, qui profitent de l’enthousiasme des uns & abusent de la crédulité des autres.

Que toutes ces recettes bizarres, que ces prétendus spécifiques vantés par des ignorans, soient bannis à jamais de nos livres élémentaires, puisqu’ils peuvent faire un tort infini aux progrès de l’agriculture & à la fortune des cultivateurs ; n’y admettons que ce qui paroît démontré & confirmé par l’expérience journalière : choisissons les grains de semence, trempons-les toujours dans l’eau de fumier animée par la chaux, & si les circonstances nous forcent d’employer pour les semailles des grains infectés par la carie ou d’autres maladies, n’oublions jamais de leur appliquer la lessive indiquée, si nous voulons avoir des récoltes abondantes & saines ; ces précautions, que la physique a approuvées, vaudront infiniment mieux que tous ces spécifiques qui n’ont jamais eu de succès réel : connoissance parfaite du sol, engrais, labour, préparation des semences, voilà les maximes fondamentales du premier de tous les arts. (Voyez ce qui a été dit au mot Chaulage). M. PARM.

CHAPITRE X.

Du temps, de la manière de moissonner le Froment, et de le monter en gerbier.

Section Première.

De l’époque de la moisson, & de la manière de la lever.

Déjà la paille est dorée, déjà l’épi jaunissant s’incline vers la terre, & rend hommage à Cérès ; déjà les blés sourient à la vue du cultivateur, & il faut être propriétaire pour sentir