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bois dans leurs provinces ; leur exemple donne des leçons instructives lorsque le succès le couronne, & le pauvre cultivateur ne sacrifie pas inutilement ses avances. Ne contrariez jamais la nature, étudiez-la & suivez les leçons qu’elle donne : encore une fois, choisissez l’espèce qui réussit le mieux, & se vend le plus dans le pays.


CHAPITRE II.

Des soins préliminaires à l’établissement des Forêts.


Si le terrain est complètement inculte, quoique de bon fonds, ou médiocre ou mauvais, il faut le défricher ; (voyez ce mot) s’il est noyé par les eaux, goutteux ou trop humide, il exige d’être desséché : (voyez ce mot) tels sont les deux principes généraux. Tout propriétaire qui se propose l’établissement d’une forêt, doit avoir les avances nécessaires, & ces avances seront proportionnées à l’étendue de l’entreprise & aux nombreux chapitres des accidens imprévus qui équivalent ordinairement au tiers & souvent à la moitié en sus.

Il vaut mieux moins entreprendre & bien opérer, puisque du premier travail dépend la réussite. Lorsque le succès ne le couronne pas dans la suite, on s’en prend au sol ; on dit dans le canton, qu’il n’est pas propre à être planté en bois ; cette tradition se perpétue de père en fils, le terrain reste perpétuellement inculte, & personne n’osera plus à l’avenir entreprendre de le mettre en valeur. Travaillez donc bien dès le premier coup de pioche, continuez les mêmes soins pendant les premières années, vous réussirez à coup sûr ; mais si tout doit être fait à la hâte ou négligemment, ne travaillez pas du tout & laissez le sol tel qu’il est.

Les troupeaux, les bêtes à cornes, enfin tous les animaux qui pâturent, sont la peste des semis qu’ils ruinent complètement. L’année qui précédera le défrichement, c’est-à-dire, dès la fin de l’automne, circonscrivez par un large & profond fossé l’endroit destiné à la forêt, la terre du fossé sera jetée en dedans & servira à augmenter l’élévation des bords intérieurs de ce fossé. Si vous pouvez facilement vous procurer des plants enracinés de ronces, placez-les de distance en distance dans le talus de la terre nouvellement remuée, par exemple, à un pied l’un de l’autre, & dès la second année, les ronces formeront un tissu qu’aucun animal ne tentera de franchir ; il se fortifiera encore plus à la troisième, à la quatrième année, &c. L’aubepin ou épine blanche (voyez ce mot) forme une bonne clôture, mais elle se fait trop attendre pour l’objet présent, & demande beaucoup de soins dans sa jeunesse. La ronce me paroît préférable à toute espèce d’arbrisseaux employés ordinairement pour les haies ; on peut même, dès l’été ou l’automne de la première année, enterrer à deux ou trois pouces de profondeur une partie de ses jeunes pousses, elles prendront facilement racine, & à la seconde année on aura déjà un massif des plus fourrés, & j’ose dire qu’à la fin de la quatrième, non-seulement toute la superficie du talus intérieur sera garnie, mais encore toute la largeur du fossé sera remplie.

On se hâte toujours de semer trop tôt sur les défrichemens, (voyez ce