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mière mise de fonds ? Voilà à quoi se réduit le problême. Consultez ce qui a été dit dans ces deux articles ; mais si la glaise & la craie sont mélangées avec du sable, des graviers, quelque peu d’autre terre, la réussite est décidée. Il y a plusieurs moyens capables de faire connoître de quelle nature est le grain de terre jusqu’à une certaine profondeur, & ils se réduisent ou à des fouilles faites de distance en distance, ou à l’usage de la sonde. (Voyez ce mot) On parvient, par ces secours, à connoître l’intérieur de la terre & à opérer avec précision.

Les sables mêmes les plus purs, pourvu qu’ils ayent du fond, sont susceptibles d’être couverts par du bois ; il y végétera mal & très-mal pendant les premières années, mais à mesure que les racines pivoteront, s’enfonceront dans ce sable, la végétation se ranimera, & l’arbre se fortifiera : c’est un très-bon sol pour les pins, les hêtres, les châtaigniers, &c. (Voyez ces mots) Les arbres dureront beaucoup moins & se couronneront beaucoup plus vite dans les sables que dans les autres terres de meilleure qualité. Cette différence ne doit pas empêcher les semis ; il vaut mieux un peu moins beau & bon que rien du tout. Je sais qu’on peut fertiliser le sable par l’argile, lui donner du corps & le rendre une terre très-végétale. Il en est ainsi de la fertilisation de l’argile par le sable ; mais quelle dépense ! Laissons tracer de pareils préceptes aux agriculteurs de cabinets ; dans un seul cas ce mélange est admissible : c’est lorsque l’un & l’autre sont très-voisins de l’habitation, & que dans les journées d’hiver, dans les temps pluvieux où l’on ne peut travailler la terre, on ne fait à quoi employer les valets de la métairie. Dans les sables gras, les arbres dont on vient de parler prospèreront ainsi que les mûriers, les charmes, les noyers, &c. (Voyez ces mots).

L’érable & plusieurs de ses espèces prospèreront presque dans tous les sols, ainsi que le bois de Sainte-Lucie, (voyez Mahalet) & ce dernier, surtout, dans les craies, terres argileuses & tenaces, dans les provinces tempérées… Le bouleau, le faux acacia, le peuplier blanc, dit ypreau, l’orme, ne craignent point les terrains un peu secs, ainsi que le saule-marceau ; mais les frênes, les aunes, la famille nombreuse des peupliers & des saules exigent des terrains frais. (Voyez ces mots) Le sapin ne sauroit croître que sur des lieux élevés & par conséquent froids, & il aime à avoir sa tête dans les nues & ses racines dans la glace. Il y a cependant quelques exceptions à faire dont nous parlerons au mot Sapin. Enfin, si le sol est essentiellement mauvais, labourez-le, couvrez-le de grains de genevrier, de bois de Sainte-Lucie & d’aubépin, de prunelier, & de toute espèce de grain d’arbres ; réussira ce qui pourra. Il s’agit, dans ce cas, de créer de la terre végétale, de faire pénétrer le sol par les racines, & de le mettre peu à peu en état de recevoir un jour les semences de plus grands arbres.

Si quelque peu de terre de qualité passable, recouvre des rochers, ou par couches horizontales, ou par masses perpendiculaires & remplies de scissures, s’ils se délitent facilement, la forêt prospèrera dès que les racines des arbres commenceront à pénétrer dans ces scissures. Si les cou-