de proche en proche, & qu’elle soit égale dans tous les points.
Si on veut juger jusqu’à quel point la croûte dont il est question retient l’air fixe & le spiritueux, il suffit de la percer lorsqu’elle est bien établie, de présenter une lumière sur cette ouverture, & on verra à quelle distance elle s’éteindra. Si on approche le visage du trou, on sent aussitôt une odeur forte, piquante, vineuse ; si on respire l’air qui en sort, il affecte douloureusement la respiration, & peut aller au point de causer une véritable asphyxie. (Voyez ce mot) Je ne veux pas dire que cette croûte empêche complètement l’évaporation du gas & du spiritueux ; la chose est impossible ; mais elle en retient beaucoup & infiniment plus que les autres chapeaux formés par des grains mal écrasés ou par des pellicules réunies aux grappes.
La sphère des idées s’étend singulièrement, lorsque l’on compare les différentes manières d’être de la fermentation, suivant les années & suivant la distance des lieux & la disparité des espèces. Qui croiroit, par exemple, que dans le bas-Languedoc où je réside actuellement, lorsque le raisin a été égrainé, foulé, la cuve remplie dans une seule journée, ainsi que je l’ai dit, le chapeau suffit, pour ainsi dire, tout seul, à retenir l’air fixe & le spiritueux ? Voilà trois années consécutives que j’observe le même phénomène avec la plus scrupuleuse attention, & que je le suis, pour ainsi dire, pas à pas. Je pourrois, si je voulois, rapporter le tableau de fermentation des deux récoltes précédentes ; mais celui de la dernière suffit, à cause de l’analogie qui se trouve entr’eux» „
La cuve A est resté dix jours à completter l’a fermentation, & tant qu’elle a duré, j’avois beau approcher une lumière jusqu’à deux ou trois pouces de la masse fermentante, elle ne s’éteignoit pas, & cet air n’a commence à être vraiment sensible que pendant le tirage du vin par la canelle ; il l’a été beaucoup plus dans le décuvage de la cuve B, & auparavant il éteignoit une lumière à trois ou quatre pouces au-dessus.
Cette différence a-t-elle été produite par la lenteur avec laquelle le chapeau s’est formé naturellement dans la cuve A, ou bien, la plus grande chaleur de la cuve B, & la plus prompte fermentation sont-elles la cause du plus grand développement de l’air fixe ? &c. Il est constant que le chapeau de la cuve B étoit moins compacte que celui de la cuve A. La solution de ce problème, qui paroît si aisée à donner au premier coup-d’œil, ne l’est cependant pas autant qu’on se l’imagine, elle tient à une suite d’expériences dont je publierai le résultat au mot vin.
Après avoir rempli mes cuves, il resta une quantité de vendange, que dans la crainte de la pluie je fis cueillir le 13 octobre. Transportée dans le cellier, & égrainée, elle resta dans des futailles, dans des comportes, &c. parce que je n’avois plus de cuve pour la recevoir. Le dix-neuf elle fut mise dans la fouloire, & jetée dans une cuve qui contient environ douze barriques de Bourgogne : la fermentation étoit déjà très-sensible dans les futailles ; elle fut interrompue, mais elle recommença bientôt dans la cuve, & devint promptement tumultueuse ; le chapeau se forma mal, l’air fixe