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raisin que de la proportion d’air fixe, (voyez ce mot) qui est le lien des corps, le nexus conectionis ; deux grandes vérités dont les œnologistes ne se sont pas encore apperçus, parce qu’ils généralisent trop leurs principes.

L’expérience force à conclure que les vrais principes constitutifs du vin sont, 1°. la partie sucrée qui crée le spiritueux par la fermentation ; 2°. la partie aqueuse qui la tient en dissolution, & la rapproche plus ou moins selon son abondance ; 3°. la partie tartareuse ou acide qui exige une très-grande quantité d’eau pour se dissoudre, & qui est insoluble dans l’esprit de vin, ce qui est prouvé par la précipitation du tartre à mesure que l’esprit se forme dans la futaille ; cependant il reste toujours une portion de ce sel dans le vin ; 4°. de la partie huileuse essentielle qui détermine l’aromate ou le bouquet ; 5°. de la partie terreuse & grossière qui forme la lie ; 6°. le goût de terroir ne dépend, en aucune manière, de ces principes essentiels ; c’est un principe sur-ajouté, & tenu en dissolution dans l’eau de végétation, & peut-être combiné avec l’huile essentielle du vin ; j’ose presque l’avancer, d’après quelques expériences faites sur les eaux-de-vie. Après avoir terminé ce parallèle abrégé des principes de la grappe & du vin, passons au fond de la question.

Section III.

Est-il avantageux d’égrainer ?

Les œnologistes ne sont aucunement d’accord sur ce point ; les uns prétendent que, dans aucun cas, on ne doit supprimer la grappe ; d’autres, qu’elle peut l’être quelquefois sans inconvéniens ; ceux-là, que sa quantité totale est nuisible ; & ceux-ci, qu’elle est non-seulement inutile, mais encore préjudiciable à la quantité & à la qualité du vin : peut-être ont-ils tous raison jusqu’à un certain point ; il s’agit de les concilier. À cet effet, distinguons-les en deux classes ; la première contiendra les positifs, c’est-à-dire, ceux qui conseillent de conserver la grappe ; la seconde, les négatifs ou ceux qui décident qu’on doit la supprimer.

I. Des positifs. Voici en substance leurs assertions, & principalement celles de M. Maupin, qui a beaucoup plus écrit sur cet objet que les autres. « La grappe ne durcit pas toujours les vins, ne les rend pas toujours austères & âpres ; ainsi, il ne faut donc pas toujours égrapper. »

1. « La grappe ne durcit le vin lorsqu’on le laisse trop cuver. »

2. « Elle le rend beaucoup plus susceptible de se conserver : c’est l’opinion universelle de tous les vignobles. »

3. « Si l’alun. (Voyez ce mot, & ce qu’on doit en conclure) retarde la défection des vins, pourquoi l’acide végétal & terreux du bois de la grappe, ne l’auroit-il pas aussi ? Pourquoi, par son affinité avec l’eau, & par sa vertu astringente, ne se combineroit-il pas avec l’eau du vin, n’en affoibliroit-il pas la propriété dissolvante & son action continuelle sur les principes du vin, dont par-là elle hâte la destruction ? Pourquoi, en communiquant son astriction à la partie aqueuse du vin, cet acide n’auroit-il pas le pouvoir de resserrer les substances auxquelles