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pousser de grandes branches par le côté, & elles s’étendent d’autant plus aisément que rien ne les gêne ; mais toutes les souches qu’elles couvrent de leur ombre, privées du soleil, des influences de l’air, végétent mal, se rabougrissent, s’étiolent, (voyez ces mots) & périssent à la fin. Il est inutile d’en fournir la preuve, & de démontrer par le raisonnement que cela doit être ainsi ; un seul coup-d’œil sur les taillis en convaincra plus surement.

4o. Les baliveaux occasionnent la gelée des taillis. On s’en rapportera sans doute à la véracité & au discernement de M. le comte de Buffon. Voici comme il s’explique : « On sait, par une expérience déjà trop longue, que le bois des baliveaux n’est pas de bonne qualité, & que d’ailleurs ils font tort aux taillis. J’ai observé fort souvent les effets de la gelée du printems dans deux cantons voisins de bois taillis. On avoit conservé dans l’un tous les baliveaux de quatre coupes successives, & dans l’autre on n’avoit réservé que les baliveaux de la coupe actuelle. J’ai reconnu que la gelée avoit fait un si de grand tort au taillis chargé de baliveaux, que l’autre tailli l’a devancé près de cinq ans sur douze. L’exposition étoit la même ; j’ai sondé le terrain en divers endroits, il étoit semblable. Ainsi je ne puis attribuer cette différence qu’à l’ombre & à l’humidité que les baliveaux jetoient sur le taillis, & à l’obstacle qu’ils formoient au desséchement de cette humidité en interrompant l’action du vent & du soleil. »

« Les arbres qui poussent vigoureusement en bois produisent rarement beaucoup de fruit ; les baliveaux se chargent d’une grande quantité de glands, & annoncent par là leur foiblesse. On imagineroit que ce gland devroit repeupler & garnir les bois ; mais cela se réduit à bien peu de chose, car de plusieurs millions de ces graines qui tombent au pied de ces arbres, à peine en voit-on lever quelques centaines, & ce petit nombre est bientôt étouffé par l’ombre continuelle & le manque d’air, ou supprimé par le dégouttement de l’arbre & par la gelée qui est toujours plus vive près de la surface de la terre, ou enfin détruit par les obstacles que ces jeunes plantes trouvent dans un terrain traversé d’une infinité de racines. On rencontre à la vérité quelques arbres de brin dans les taillis ; ces arbres viennent de graine, car le chêne ne se multiplie pas par rejeton, & ne pousse pas de la racine ; mais les arbres de brin sont ordinairement dans les endroits clairs des bois, loin des gros baliveaux, & sont dus aux mulots ou oiseaux qui, en transportant les glands, en sèment une grande quantité. »

Voici encore une observation importante de M. de Buffon. « J’ai su mettre à profit, dit-il, ces graines que les oiseaux laissent tomber. J’avois observé dans un champ qui, depuis trois ou quatre ans, étoit demeuré sans culture, qu’autour de quelques petits buissons qui s’y trouvoient fort loin les uns des autres, plusieurs petits chênes avoient paru tout d’un coup ; je reconnus bientôt par mes yeux que