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faisante s’attache aux feuilles ; ces feuilles absorbent une partie de cette eau précieuse qu’elles avoient fournie par leur transpiration, & qui s’étoit élevée du sein & de la surface de la terre lorsque le soleil dardoit ses rayons ; enfin, des pluies douces & chaudes rendent à la terre une humidité précieuse, principe de végétation : mais lorsque l’action du soleil a été trop long-tems soutenue, l’industrie humaine, attentive à conserver & multiplier ses jouissances, est forcée de venir au secours d’une terre aride ; elle implore ses soins, il faut l’arroser, la rafraîchir, lui recombiner un de ses élémens dont elle a été dépouillée. Il y a deux manières générales d’arroser, ou avec des arrosoirs, ou par irrigation, (voyez ces deux mots, & sur-tout le mot Irrigation ; il exige un article étendu à cause des prairies.) La troisième méthode, pratiquée par les curieux, est celle d’aspersion ; elle s’exécute avec une espèce de goupillon, afin de ne donner que peu d’eau à la fois, & afin que cette eau ne resserre pas trop la terre qui recèle dans son sein des semences délicates. Elle est rare pour la pleine terre, & presque toujours elle se borne aux vases, aux caisses & aux terrines, &c.

L’arrosement artificiel le meilleur, est celui qui imite le plus complètement la pluie. Voilà la loi dont on ne doit pas s’écarter. Comment faut-il arroser ? quand faut-il arroser ? avec quelle eau faut-il arroser ? sont autant d’objets à examiner.

1o. De la manière d’arroser. Le jardinier, armé de deux arrosoirs garnis de leur pomme ou grille, marchera rapidement dans le sentier qui borde ses planches, ses quarreaux ou ses tables : ces différens mots sont usités suivant les provinces du royaume. La pomme de l’arrosoir sera bombée & parsemée de trous très-petits, afin que les filets d’eau auxquels ils donneront passage, aient peu de volume, & les trous seront espacés de cinq à six lignes. S’ils étoient plus rapprochés, les filets se réuniroient dans leur chute & tapperoient la terre.

On vient de dire que la marche du jardinier, lors du premier arrosement, devoit être précipitée, afin de donner très-peu d’eau en commençant, & il faut que la terre ait eu le tems de l’imbiber avant de lui donner un second arrosement, sur-tout si cette terre est sèche. Sans cette précaution, l’eau ruisselleroit de la table dans le sentier, ou se rassembleroit dans les petites cavités de la table, qu’elle rendroit encore plus profonde en y resserrant la terre.

Un quart-d’heure après ce premier arrosement, on donne le second ; la marche du jardinier est plus lente, plus posée, & il a soin d’arroser également par-tout. Il en sera ainsi du troisième & du quatrième si le besoin l’exige. Lorsque l’eau contenue dans l’arrosoir est presque toute écoulée, il n’en reste pas assez pour presser avec force contre les trous de la grille & sortir en manière de jets ; alors les différens filets d’eau se réunissent, & plus les trous en sont gros, plus le courant qu’ils forment par leur réunion est considérable. Ce courant précipite trop d’eau à la fois dans le même endroit, & y rend la terre