Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

utiles pour ramasser les essaims qui s’y arrêtent assez ordinairement, lorsqu’ils abandonnent leur patrie ; s’il n’y en avoit point, ils iroient plus loin ; une extrême vigilance n’empêcheroit point qu’on ne les perdît.


Section IV.

Des positions qu’il faut éviter dans l’emplacement d’un Rucher.


La campagne est le véritable endroit où il convient d’établir & de fixer le domicile des abeilles. Lorsqu’elles habitent les villes, attirées par les sucreries des confiseurs, elles perdent un tems précieux qui pourroit être employé plus utilement pour nous : en outre, ce larcin qui les fait souvent périr, ne nous est point profitable ; le sucre, les sirops, dont elles se nourrissent, ne peuvent jamais produire la quantité de miel que nous attendons de leurs travaux, lorsqu’elles vont puiser leurs récoltes dans le calice des fleurs. Le voisinage des fours à chaux & à briques, leur est très-nuisible ; l’épaisse fumée qui en sort, peut se rabattre sur les ruches, incommoder considérablement les abeilles, qui ont d’autant plus raison de la craindre, qu’elle est capable de les étourdir, & même de les étouffer. Près des étangs & des grandes rivières, elles sont sans cesse exposées à se noyer : lorsque la violence des vents les y culbute, il leur est impossible de gagner les bords.

Parmi les plantes, il y en a qui peuvent donner une mauvaise qualité au miel, & le rendre pour nous une nourriture très-pernicieuse, tel, par exemple, que le chamœrhododendros qu’on trouve près de Trébisonde, qui fournit un miel d’une qualité mauvaise, & dont il est dangereux de manger. (Voyez l’article Miel) Le buis & l’if donnent au miel une âcreté & une amertume très-désagréables, telles que l’avoit anciennement le miel de Corse, selon le rapport de Diodore de Sicile & de Pline. Les Romains qui étoient en possession de cette île, quoiqu’ils fissent une grande consommation de miel, s’étoient contentés de lui imposer un tribut de deux cents milliers de cire par an, parce qu’elle étoit très-belle : ils lui laissoient son miel, & préféroient celui de la Grèce, qui étoit d’une qualité parfaite. Les endroits où les plantes dont nous venons de parler abondent, sont donc une mauvaise position pour y placer des abeilles : quoiqu’elles ne leur soient pas nuisibles, elles donnent un miel peu propre à flatter notre goût. Lorsqu’il est possible de faire un choix, nous devons consulter notre avantage, & non point le goût des abeilles, qui n’a rien de commun avec le nôtre ; du moins, pour bien des choses, ne voudrions-nous pas nous en rapporter à elles. Quant aux plantes qui peuvent leur être nuisibles, je suis persuadé qu’il n’y a point d’imprudence à s’en rapporter à leur instinct : la nature, en bonne mère, les a suffisamment instruites de ce qu’elles doivent éviter.

Cependant bien des auteurs sont persuadés que la ciguë, la morelle, le coquelicot, la matricaire, le tithymale, l’ellébore, l’orme, le tilleul, l’arbousier, le cornouiller, la rue, la jusquiame, &c. donnent