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cale. La chaleur & la lumière paroissent influer sur cette disposition ; l’eau ne la dérange point. Vers le haut du tronc, & dans sa longueur même, toutes les parties qui le constituent, la moelle, les fibres ligneuses, l’écorce, l’épiderme, &c. s’écartent de la masse générale, & se réunissant en un seul corps, forment à leur tour un nouveau petit arbre implanté sur la mère-tige ; cette nouvelle production est la branche. Sa grosseur propre, toujours moindre que celle du tronc, suit une espèce d’ordre. Celle qui naît de la sommité du tronc, & en général celles qui en sont le plus proches, sont d’un volume plus fort & plus vigoureux. La grosseur diminue en proportion de l’éloignement & du nombre. C’est dans les branches & les jeunes pousses qu’il faut chercher la figure primitive de la tige, & non dans le tronc, que le tems ramène tôt ou tard à la forme circulaire. La tige est triangulaire dans l’aune, l’oranger, quelqu’espèce de peuplier ; quarrée dans le buis, le fusain, le phlomis ; pentagone dans le pêcher, le jasmin, & exagone dans le clématitis & dans plusieurs espèces d’érable. Une variété semblable se fait remarquer dans l’insertion des branches comme des feuilles.

Destinées à vivre dans l’obscurité, à pénétrer à travers les différentes couches de la terre, & loin de nos regards, la nature semble avoir refusé aux racines l’élégance de la forme, les agrémens de la parure dont elle a embelli les tiges de ses branches ; mais elle leur a prodigué les organes de l’utilité. Composées comme le tronc, du corps ligneux, de couches corticales, elles en diffèrent en ce que ces couches, ainsi que l’épiderme, sont plus épaisses que dans le tronc. Leur couleur, soit extérieure, soit intérieure, s’en éloigne encore, & le plus souvent elle est plus vive dans les racines. Toujours en proportion avec les branches, l’étendue, la direction, la disposition & la figure que celles-ci affectent, paroissent commander impérieusement à celles-là. Douées, si l’on peut se servir de cette expression, d’un tact sûr, elles vont chercher de tous côtés les principes alimentaires. Quelle force n’ont-elles pas pour aspirer les sucs nourriciers qu’elles vont élaborer ? quelle sagacité dans le choix ? À côté d’une plante dont les différentes parties doivent un jour répandre le baume dans notre sang, & rappeler la santé & l’ordre dans notre économie, croissent quelquefois ces tiges vénéneuses dont les sucs produisent les plus grands ravages avant de donner la mort[1]. Les racines de l’une & de l’autre sont souvent entrelacées ; mais elles savent bien distinguer les principes qu’elles doivent

  1. Malgré cette opinion générale sur la manière dont les plantes font choix des substances qui leur conviennent, elle sera de nouveau examinée au mot Racine, & l’on fera voir que les sucs terreux sont tous les mêmes, mais que chaque plante contient à l’extrémité de ses racines une espèce de levain qui agit sur ces sucs, comme la salive agit sur les alimens que nous mangeons, & les rend salubres ou délétères par rapport à nous.