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de l’amour, on a pensé qu’elles ne souffroient point les personnes qui s’y livroient avec excès.

Toute leur prévoyance consiste à ramasser les provisions dont elles ont besoin, & qu’elles ne trouvent pas toujours dans la campagne. Il est des tems où elles mourroient de faim, si elles n’avoient pas eu soin de profiter de la saison favorable pour remplir les magasins. Pendant une partie de l’année, la campagne est dépouillée, & leur offre à peine de quoi se nourrir ; dans d’autres tems elles n’y trouvent aucune sorte de provisions : alors comment vivre, élever une famille nombreuse & lui fournir cette abondance d’alimens qui lui est indispensable, si les magasins étoient vuides ? Leur prévoyance à cet égard, qui se trouve justifiée par l’événement, n’est donc point une preuve de leur stupidité, comme le prétend le célèbre auteur de l’histoire naturelle ; mais au contraire, de leur prudence, puisque leur conservation dépend de cet amas de provisions. Il n’est pas possible d’avouer que leur conduite n’est qu’une suite de leur stupidité, lorsque l’on remarque leur exactitude à fermer toutes les ouvertures de leur domicile, à ne laisser que celles qui doivent leur servir de portes. Cette précaution de la part des abeilles, annonce qu’elles ont des ennemis à craindre, qu’il faut par conséquent boucher les ouvertures par lesquelles ils pourroient entrer sans être apperçus, afin qu’on ne soit pas obligé de trop multiplier les gardes préposées pour la sûreté publique ; ce qui retarderoit encore les ouvrages, si on étoit forcé de diminuer le nombre des ouvrières, pour les employer à veiller l’ennemi. La pluie est très-nuisible à leurs ouvrages, & les endommage considérablement : en bouchant tous les trous, par lesquels elle pourroit pénétrer dans leur habitation, les abeilles ne sont point exposées à ses ravages.


Section V.

Du travail des Abeilles dans l’intérieur & l’extérieur.


Les travaux des abeilles dans l’intérieur, sont la construction des alvéoles, les réparations qu’elles font à leur domicile pour y être fermées exactement ; dans l’extérieur, ils consistent à ramasser la cire, le miel, la propolis. (Voyez ces articles, où il est expliqué comment l’abeille s’acquitte de ces différens ouvrages.)


Section VI.

Des soins que les Abeilles prennent du couvain.


Dès que la reine a placé dans les cellules le germe de sa famille, elle l’abandonne, ne le visite point, & ne lui porte jamais aucune sorte de nourriture, pas même à celui de sa race royale. Les abeilles ouvrières sont les seules chargées de l’éducation, & qui pourvoient à la subsistance de la nombreuse famille : elles sont donc les nourrices de cette immense postérité, & elles s’acquittent de cet emploi avec la même tendresse que si elles en étoient les mères. La nourriture de cette famille, qui est une espèce de bouillie que les ouvrières dégorgent dans les cellules où les vers sont élevés, y est toujours en grande abondance,