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trèfle. Cette confusion est venue, sans doute, de la dénomination de sainfoin, pour désigner la luzerne, suivant l’idiôme de certains cantons. La luzerne subsiste six années dans sa force ; à la troisième on y répand quelques engrais : au bout de ce tems-là, on renverse la luzernière en automne, & au printems suivant on sème de l’orge. On y fait ensuite deux récoltes de froment. Au mot Luzerne, nous indiquerons un moyen de lui assurer une plus longue durée que celle qu’on vient d’indiquer.

Si la terre est trop maigre pour la luzerne ou pour le trèfle, on la met en esparcette, (voyez ce mot) qui est le véritable sainfoin ; elle se sème & se cultive comme la luzerne, & elle subsiste dans sa force pendant six ans.

Dès que l’esparcette commence à décheoir, on la renverse en automne, & on donne un second labour au printems pour semer de l’orge, après l’orge du froment, ensuite des navets ; enfin, des pois ou de l’orge.

Règles à suivre dans la culture alternative, suivant l’exposition & la nature du sol. On donne pour première règle, que dans le pays plat il ne faut pas s’attendre que les terres, après avoir été labourées, se couvrent promptement & d’elles-mêmes, d’herbages naturels. Cela ne sauroit avoir lieu que dans les montagnes ; ailleurs il faut avoir recours, comme en Angleterre, aux herbages artificiels. Il paroît heureusement, par toutes les expériences qui en ont été faites, que cette espèce de fourrage réussît très-bien presque par-tout.

2o. On observe que la méthode de défricher, suivie dans quelques endroits de la Suisse, est plus expéditive & plus exacte que la méthode angloise, & par conséquent elle est préférable. On peut, après la première récolte du fourrage, préparer la terre pour semer encore en automne des bleds d’hiver, même dans les terres les plus fortes : si les terres sont légères, on peut faire la seconde récolte du foin.

Il paroît que les fermiers anglois exagèrent, lorsqu’ils proscrivent absolument l’avoine, comme donnant de trop minces produits. On a constamment éprouvé, que pour remettre un champ en pré naturel, dans les pays à bled, l’avoine convenoit mieux que tout autre grain, & que le terrain se gazonnoit plus promptement. Voici la manière dont s’y prend l’auteur de cet article.

Il emploie dix boisseaux d’avoine pour un arpent ; mais auparavant il les met tremper pendant vingt-quatre heures dans la composition suivante :

Prenez un pot d’eau bouillante, dans laquelle vous jetterez une livre de potasse, ou deux livres de sel de soude, ce qui revient au même : versez peu à peu cette eau sur deux livres de chaux vive : dès que la chaux commencera à s’échauffer, délayez-y demi-livre de fleur de soufre, en brassant continuellement avec un bâton, jusqu’à ce que la chaux & la fleur de soufre soient exactement incorporés. Jetez le tout dans un vaisseau, avec la vidange d’un ventre ou deux de moutons ou avec des crottes de brebis, dissoutes dans l’eau ; vous y ajouterez une demi-livre d’huile d’olive, &