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Marceau (d)la gouttière. Il se fit porter sur un brancard. Un ami dévoué l’accompagnait. Toute la nuit, malgré le gros temps, il resta sur le pont du bateau, étendu, fixant, tirant du fond de la nuit, comme un aimant, la terre d’épouvante, dont les approches furent signalées par les feux des Stromboli. Il avait, pour garantir sa blessure du crâne, où l’on avait fait une prothèse d’argent aux clous d’or, un casque de cuir qui lui donnait l’aspect d’un croisé normand. Il allait aussi au Saint-Sépulcre ! … Sépulcre d’un peuple… « Horror, Fetor… » Dès Reggio, le vent en apporta l’odeur… Le Dieu géant pourrissait, sous les collines d’orangers… Près de vomir sur sa Litière, le croisé se fit hisser, avec une résolution implacable, jusque là où avait été son nid. Depuis le premier jour du sinistre, aucune main n’avait touché aux ruines. Elles décourageaient les efforts. Elles s’élevaient en pyramide, que, par une dérision du Fatum, couronnait l’écusson renversé des Chiarenza ; on y lisait, sous une torche, la vieille devise :

— « Per Chiarità Carità. » ( « Par la clarté, l’amour. » ) Sous la montagne, ils gisaient tous, toute sa chair, toute sa race… « Amour, Clarté. » La torche éteinte. C’est le tombeau des Chiarenza. Qu’il le reste !… Jamais il ne fit rebâtir la demeure. Il fit plus tard cimenter le tumulus et, sur la pyramide géante, il fit graver :

« Ruinae Sacrum. »

Plus tard, plus tard, il devait consacrer l’autel à « la Grande Mère » (Μἠτηρ μεγίατη), « Terre la Noire » (Γἥ μέλαια.)

Quand il revint, sur le bateau rentrant à Naples, il rencontra un autre blessé, un autre damné, sorti de l’Enfer, qui racontait, halluciné, qu’il avait vu, sur les décombres, des honunes se ruer, pour dépouiller les