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EN ALGÉRIE
(NOTES DE VOYAGE)



Le jeudi 18 mars 1886, à 7 heures du matin, nous prenions le train d’Alger pour Ménerville, M. Jeanmaire, recteur de l’académie, M. Bianconi, inspecteur d’académie, M. Ch. Lenient, professeur à la Sorbonne à Paris, ancien député, et M Lenient, M. Scheer, inspecteur primaire spécialement chargé des écoles indigènes, et moi. Le temps, très pluvieux la semaine précédente, s’était décidément mis au beau ; notre humeur à tous était au niveau du temps ; nous étions heureux de cette échappée comme des écoliers partant en vacances. Sauf pour M. Scheer, ancien instituteur de Fort-National, les pays que nous allions parcourir nous étaient tout-à-fait inconnus. Rien ne mérite la peine d’être signalé dans le trajet d’Alger à Ménerville : nous laissions derrière nous la Mitidja et l’Atlas[1] ; en avant se dressaient les crêtes neigeuses du pays kabyle. Ménerville, bâtie sur l’emplacement du village des Béni-Aicha, porte le nom d’un ancien premier président de la cour d’Alger. M. Scheer, qui s’était obligeamment chargé d’arrêter d’avance tous les détails de notre voyage, avait dès la veille fait retenir nos places dans la diligence de Tizi Ouzou ; à nous six nous occupions tout l’intérieur. Le conducteur, assez revêche, ne peut nous donner le temps de déjeuner : force nous est d’’improviser un repas. Nous faisons à la hâte nos provisions à l’hôtel et mangeons en voiture : l’appétit est bon et le déjeuner trouvé excellent.

Bordj-Menaiel, 18 mars.

Le pays, arrosé par l’Isser, est généralement plat, mais à notre droite les contreforts du Djurdjura se rapprochent. À midi et demi nous nous arrêtons à Bordj-Menaiel[2]. Ce bourg commande le territoire des Flissa-Oum-el-Lill ; bâti sur l’emplacement d’un oppidum romain, il est l’entrée de la Kabylie. C’est ici que commença l’insur-

  1. La Mitidja est une vaste plaine de 100 kilomètres de longueur sur 22 de largeur moyenne, au sud d’Alger : elle est bornée par les collines du Sahel (rivage), la mer et les grands monts de l’Atlas ; il fallut la disputer vigoureusement aux Arabes dans les premières années de notre occupation : très cultivée, couverte de villes et villages européens qui deviennent de plus en plus prospères, on y compte aujourd’hui 30,000 habitants, dont 16,000 Français.
  2. Bordj signifie fort, tour : de nombreux villages se sont bâtis ainsi autour de ces forteresses élevées par les Turcs pour maintenir le pays : Bordj-Bou-Arcridj, Bordj-Bouira, Bordj-Medjana, etc.