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À TRAVERS NOS ÉCOLES
(NOTES D’UN INSPECTEUR)




Je suis parti de bon matin, j’ai fait une assez longue route à travers un pays maigre, sans caractère, aux ondulations monotones. Comme j’arrivais au sommet d’une de ces ondulations, déjà résigné à redescendre pour remonter, voici tout à coup devant moi, immense et radieuse, la mer. Rien n’arrête plus le regard ; il s’élance libre et joyeux dans l’espace largement ouvert, et avec lui la pensée ; c’est le même sentiment, mais plus vif et plus fort, que j’’éprouve en passant des rues de la ville à la campagne, une sorte de délivrance, d’allégement, d’allégresse. Je suis descendu jusqu’à la plage : qu’elle est belle, ce matin, la mer calme et comme au repos ! D’un mouvement lent et régulier elle s’élève et s’abaisse ainsi que fait la poitrine d’une personne endormie ; à peine, de temps en temps, un pli plus creusé, une vague plus haute et qui déferle avec plus de rudesse rappelle, à qui serait tenté de l’oublier, la force du monstre. Je m’arrêterais longtemps à ce spectacle si le devoir ne m’appelait. Du reste l’école est là toute proche — vraie école de marin qui s’ouvre sur la mer.

Entrons… Qu’il fait sombre ici ! Et tout de suite je pense à ces pauvres enfants qui comme moi ont passé, il y a quelques instants, de la pleine et belle lumière du dehors à ces ténèbres intérieures. Dans quelle disposition d’esprit et d’humeur ont-ils pris place sur ces bancs ? Vous qui nous faites un reproche de vouloir l’école claire et gaie, n’avez-vous jamais souffert d’un de ces contrastes ? N’est-ce pas assez de l’immobilité enfermée à laquelle nous condamnons ces enfants habitués aux longues courses, aux libres ébats par la plaine ou sur la grève ? IL faut, me direz-vous, leur apprendre de bonne heure le devoir, qui dans la vie n’est pas toujours facile ni riant. Au moins pourriez-vous, à eux qui s’y essaient, en rendre l’apprentissage moins dur, moins maussade.