DE L’USAGE ET DE L’ABUS DE LA PÉDAGOGIE
La pédagogie est aujourd’hui en grande faveur ; on pourrait presque dire qu’elle est à la mode. Un étranger qui visiterait notre pays pour rapporter à ses compatriotes ce qu’il y a vu de plus saillant, ce qui occupe le plus d’esprits, ce qui fait publier le plus de livres, ce qui paraît être en honneur à la fois au Parlement et dans les ministères, à Paris et dans la province, à la ville et au village, ne risquerait guère de se tromper en écrivant sur son carnet de notes : « La France pédagogise ». Cours privés ou publics, écoles normales supérieures, programmes officiels, examens de haut et bas degré, livres didactiques, manuels historiques, recueils d’extraits, rien ne manque, à ce qu’il semble, de ce qui sert à cultiver l’art de l’éducation ou à le propager. Théorie et procédés de l’enseignement en général et des enseignements spéciaux, théorie et procédés de l’éducation proprement dite, c’est-à-dire de la manière d’instituer l’esprit et Je caractère, on prétend ne rien abandonner au hasard ni à la routine : on veut tout prévoir, tout régler selon la raison et À la lumière de l’histoire. Ainsi s’explique l’introduction dans nos programmes primaires de certaines études qu’on peut sans exagération appeler nouvelles, si grande est l’importance qu’elles ont prise : la psychologie, ou la science des facultés de l’âme et de leur développement, aidée de la physiologie, qui met en lumière l’action du physique sur le moral ; la morale rationnelle, ou la science des principes qui doivent régler la conduite et des mobiles qui déterminent la volonté ; enfin, l’histoire de la pédagogie. Que devient, au milieu de ce branle-bas général, l’ancien maître d’école ? On dirait qu’il passe à l’état de souvenir ; l’ « éducateur »