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La Jeunesse d’Henri Poincaré[1].

Le milieu dans lequel le jeune Henri allait se développer était de ceux qui se rencontrent bien rarement. Le père, Léon Poincaré, qui exerça toute sa vie la médecine dans sa ville natale et y devint professeur à la Faculté de Médecine, était un esprit très original, dont notre Académie appréciait beaucoup et accueillait volontiers les travaux ; on se souvient à Nancy, avec reconnaissance, du dévouement et du désintéressement avec lequel il exerçait sa profession. L’oncle, Antoni Poincaré, sorti dans un rang brillant de l’École Polytechnique, ne se contentait pas de remplir avec distinction sa tâche quotidienne ; il a, lui aussi, adressé à notre Compagnie plusieurs communications fort intéressantes, relatives aux problèmes les plus essentiels de la météorologie. C’est dans ce milieu de savants, d’universitaires, de polytechniciens, qu’allait s’écouler l’enfance d’Henri Poincaré.

Cette enfance fut exceptionnellement heureuse, grâce aux qualités naturelles dont il était doué, mais grâce aussi aux soins dont il fut entouré. Sa mère veillait sur lui avec une sollicitude pleine d’intelligence, qui a certainement favorisé son développement. Il fut extrêmement précoce et parla très tôt, d’abord mal parce qu’il pensait plus vite qu’il ne pouvait parler. Il fut retardé à l’âge de cinq ans par une diphtérie, à la suite de laquelle il eut pendant neuf mois une paralysie du larynx. Cette maladie le tint longtemps faible et timide. Il n’osait pas descendre un escalier tout seul et il fuyait les camarades de son âge dont il redoutait les brutalités. Dès qu’il sut lire il devint un lecteur acharné, il ne lisait pas deux fois le même livre ; mais il lisait de telle

  1. Extrait de « l’éloge historique » lu dans la séance publique annuelle de l’Académie des Sciences, le 15 décembre 1913, par M. Gaston Darboux, secrétaire perpétuel.