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LA PRESSE ET LES LIVRES

9 thermidor l’un des hommes les plus en vue du parti montagnard, les historiens mentionnent à peine son nom, et les dictionnaires biographiques sont à son sujet d’un laconisme regrettable. Eh bien, ce que nous eussions vainement cherché dans les ouvrages spécialement consacrés à la Révolution, M. Grand nous le donne. Gabriel Bouquier était un enfant de Terrasson, où il naquit le 10 novembre 1739 : à ce titre, l’historiographe du Terrassonnais lui consacre une notice détaillée, qui fournit d’abondants renseignements sur Bouquier peintre et littérateur, aussi bien que sur Bouquier homme politique. Là, nous voyons le futur membre du Comité d’instruction publique s’essayer à reproduire sur la toile les riantes vallées de son pays natal, et rimer d’innocentes épigrammes contre ses confrères en peinture ; nous le voyons visiter ensuite l’Italie et se faire recevoir membre de l’Académie des Arcades, sous le nom d’Eucrate-Protogène ; nous le voyons, quinze ans plus tard, faire jouer, en l’an II, une « sans-culottide » en cinq actes intitulée la Réunion du 10 août ou l’Inauguration de la République française, qui eut soixante représentations ; nous apprenons enfin à regret que, tout comme le « patriote » Palloy, Fournier l’Américain, et quelques autres sans-culottes « rectilignes », Bouquier, devenu septuagénaire, se repentit et « demanda pardon à Dieu de ce qu’il avait fait ce qui n’empêcha pas l’esprit républicain de se perpétuer dans sa famille, puisque le fabuliste socialiste Pierre Lachambeaudie — autre renseignement que nous devons à M. Grand — est son petit-neveu.

L’auteur nous annonce (p. 55) qu’il a « l’intention de consacrer plus tard un volume aux péripéties révolutionnaires qui se déroulèrent dans notre coin du Périgord ». Nous souhaitons qu’il puisse accomplir ce projet, assuré qu’il y apportera l’esprit de consciencieuse impartialité dont témoigne son premier volume. Et en terminant, nous adressons nos félicitations au Conseil général de la Dordogne qui a souscrit à cinquante exemplaires des Annales du Terrassonnais, afin de pouvoir placer l’ouvrage dans toutes les bibliothèques cantonales du département : il a donné là, aux efforts d’un modeste instituteur, une récompense et un encouragement qui sont bien faits pour stimuler le zèle de tous ses collègues.

De la vie intime des dogmes et de leur puissance d’évolution, par A. Sabatier ; Paris, Fischbacher, 1889. Les dogmes périssent, dit-on. Ils s’en vont, parce que les formules immuables qui les constituent disparaissent avec le changement de nos idées ; et leur disparition équivaut à la mort de la religion.

M. Sabatier s’attaque résolument à ces erreurs courantes. Il montre que les dogmes se transforment sans cesse et renferment en eux-mêmes le principe de leur évolution. Leur histoire nous est expliquée, grâce à l’analogie, par celle des mots. Ils sont, en effet, une sorte de langage, qui traduit à sa façon une vie intérieure. Or l’analyse doit