De la vie intime des dogmes et de leur puissance d’évolution, de M. A. Sabatier

De la vie intime des dogmes et de leur puissance d’évolution, de M. A. Sabatier
Revue pédagogique, premier semestre 1890 (p. 179-180).

De la vie intime des dogmes et de leur puissance d’évolution, par A. Sabatier ; Paris, Fischbacher, 1889. Les dogmes périssent, dit-on. Ils s’en vont, parce que les formules immuables qui les constituent disparaissent avec le changement de nos idées ; et leur disparition équivaut à la mort de la religion.

M. Sabatier s’attaque résolument à ces erreurs courantes. Il montre que les dogmes se transforment sans cesse et renferment en eux-mêmes le principe de leur évolution. Leur histoire nous est expliquée, grâce à l’analogie, par celle des mots. Ils sont, en effet, une sorte de langage, qui traduit à sa façon une vie intérieure. Or l’analyse doit distinguer avec soin entre ce qui est exprimé et ce qui l’exprime. D’une part, le développement de la vie doit amener à sa suite le développement des formes qui l’incarnent. D’autre part, des faits extérieurs peuvent dissoudre ces formes sans atteindre ce qui les a créées : ceci continue à travailler et à produire des formes nouvelles.

L’évolution des dogmes est donc possible : le professeur ajoute et démontre qu’elle est nécessaire. Dans un grain de blé il y a un germe vivant ; mais avec cette puissance mystérieuse et insaisissable est une certaine matière, un peu de fécule qui lui est nécessaire pour se manifester et produire ses effets. Ainsi, avec le principe de vie qu’il y a dans tout dogme, se trouvent les éléments qui constituent la formule dogmatique. Ceux-ci sont empruntés nécessairement au milieu dans lequel le dogme est né, et ils doivent, nécessairement aussi, changer avec les milieux divers auxquels, dans la suite de son histoire, le dogme doit s’adapter.

M. Sabatier illustre sa thèse d’exemples nombreux et intéressants ; il la développe et l’impose à l’attention non pas avec cette passion qui se met au service d’un système préconçu, mais avec le calme et la force d’une conviction éclairée. La lecture de ce travail inspirera plus d’une réflexion à quiconque se préoccupe des rapports de la vie religieuse et de la vie morale.