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LE LIERRE DU LYCÉE LAMARTINE

LE LIERRE DU LYCÉE LAMARTINE

A M. NAVARRE

J’ai voulu revoir le lycée
Où mon enfance pleura tant ;
C’est bien là que je l’ai laissée ;
Elle m’accueille en sanglotant.

C’est aujourd’hui Pâque-fleurie :
On a lâché les écoliers ;
Je remonte, l’âme attendrie,
Mon passé, par ces escaliers.

Loin de mon pays de lumière,
Où l’hiver même est réchauffant,
Entre ces murs de froide pierre,
Il fut dur, mon exil d’enfant.

« Voyez-vous, dis-je au nouveau maître,
Qui me reçoit en vieil ami,
Chaque détail, par tout mon être,
Réveille l’enfant endormi.

» Il s’éveille, il sort de moi-même ;
Hélas ! il ne me connaît pas ;
Moi, je le connais et je l’aime,
Ce petit qui pleure tout bas.

» Pour un moment il veut revivre ;
Ses yeux sont grands ouverts, — voyez !
Si nous marchons, il va nous suivre…
Oh ! comme ses yeux sont noyés !

» Sur ses traces, la petite ombre
Remet ses deux pieds, pas à pas…
Il pleut ; au fond du hangar sombre,
Elle regarde vers là-bas !

» Le ciel rit ; dans le libre espace
Le pauvre petit spectre, en pleurs,
Suit des yeux chaque oiseau qui passe
Et qui peut aller voir des fleurs !

» Il s’assied au banc de la classe
Où son chiffre est encor gravé ;