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L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE



La plupart des questions algériennes à l’ordre du jour sont d’une solution très difficile, parce que, touchant à des intérêts divers et souvent opposés, elles divisent forcément l’opinion. Une seule possède ce rare privilège de mettre tout le monde d’accord. Il y a quelques jours, M. Ballue demandait à la Chambre d’affecter à l’instruction des indigènes une partie des ressources budgétaires destinées à la colonisation et, d’autre part, M. Thomson, député de Constantine, invitait le ministre compétent à porter son attention de ce côté. Sans contester l’importance des autres questions, on doit convenir que celle-ci est d’ordre capital. Je ne veux pas énumérer toutes les bonnes raisons qui plaident en faveur de l’instruction des indigènes ; sur ce point il y a cause gagnée. L’entente est faite sur le principe, les prémisses sont posées ; il s’agit maintenant d’en dégager la conclusion. Il faut mettre à profit la bonne volonté générale et passer s’il est possible à l’exécution.

Le plan ou plutôt l’esquisse que je vais essayer de tracer réclame quelques explications préalables. L’organisation proposée ne s’étend pas aux enfants des deux sexes, non que l’instruction des filles ne doive, en Algérie comme en France, avoir son heure ; mais, il ne faut pas l’oublier, nous avons affaire à une société musulmane dans laquelle la condition de la femme est loin d’être la même que chez nous. Sur ce chapitre, nos sujets algériens ont, comme tous leurs coreligionnaires, une manière de voir et une façon d’agir à eux ; ils ont des idées, des habitudes, des mœurs avec lesquelles il nous faut bien compter. Nous aurons contre nous assez de préjugés sans nous heurter d’abord au plus redoutable peut-être et au plus enraciné de tous. Ce n’est pas en accumulant les difficultés, mais en les divisant, qu’on peut se flatter de les résoudre. Plus tard, quand l’expérience qu’on va tenter aura réussi, le moment viendra d’en essayer une nouvelle. Des générations façonnées par l’instruction déjà répandue s’y prêteront plus facilement. Mais on compro-